Quel étrange voyage ce pour ce combo originaire de Brooklyn nommé Parquet Courts. Si quelqu’un vous avait dit, il y a près de dix ans, que l’orientation du groupe s’apparenterait davantage à un DJ set d’Austin Brown qu’à un rager d’A. Savage susceptible de provoquer un mosh pit, vous l’auriez déclaré idiot. Mais, hélas, nous sommes là, heureusement (u pas). Faisant suite à Wide Awake ! qui a été acclamé par la critique et, si l’on ose dire, pouvait être qualifié d’amusant, le dernier album du groupe s’aventure sur un terrain plus funk et inspiré par la danse. S’il n’est pas aussi instantanément contagieux que Wide Awake !, Sympathy For Life témoigne de la volonté du groupe de ne pas s’arrêter.
L’album s’ouvre sur un « Walking at a Downtown Pace »,qui s’inscrit dans la lignée des meilleures chansons du groupe. Sur ce morceau, le co-leader, Savage, est presque étourdi par la perspective de vagabonder après la fermeture. Il promet de « chérir les foules qui m’ont fait agir de façon si rageuse » (treasure the crowds that once made me act so annoyed) sur un rythme swinguant qui rappelle le meilleur de la collaboration du groupe avec le compositeur italien Daniele Luppi sur Milano en 2017. Parmi les autres points forts de Savage, citons le « tuck and roll » garage/surf de « Black Widow Spider » et le plus grognon « Homo Sapien », qui rappelle une version accélérée de « What Color is Blood ? » du groupe. Et il sera, en outre, difficile de nier l’influence de la British Invasion sur l’hyper-addictif « Just Shadows », qui sonne comme un vieux morceau de Ray Davies.
Mais les trouvailles les plus intéressantes de Sympathy For Life viennent des rêveries d’Austin Brown, qui ne sont pas toujours mises en valeur. Les blips et les bleeps de « Marathon Of Anger » évoluent en une quasi-mimique de « Slippery People » des Talking Heads si la chanson était apparue sur Remain In Light au lieu du suivant Speaking In Tongues. Et comme pour les titres phares des Talking Heads, les meilleurs morceaux sont ceux qui permettent au groupe de s’étendre. Le plus important est la longue séance d’entraînement funk de Plant Life, qui est entrecoupée de bribes de conversations aléatoires. Les high hats et les snares de la chanson titre auraient bénéficié d’une durée plus longue et même « Trullo », plus abattu, aurait pu pousser dans d’autres directions s’il avait eu plus d’espace.
Dans la lignée de l’album de rupture du groupe, Sympathy For Life s’avère plus subtil dans ses efforts pour explorer de nouveaux territoires. Peut-être que le breakdown de l’époque précédente, « He’s Seeing Paths », savait depuis le début où le groupe se dirigeait. Dans cette chanson, Brown décrivait les routes alternatives que Savage empruntait chez les Burroughs pour éviter les flics en livrant de l’herbe. Aujourd’hui, le groupe amène la fête avec lui et est plus que désireux de suivre le courant de ce que demain pourrait leur apporter. L’évolution, comme il s’avère, est beaucoup plus intéressante que la révolution, après tout.
***1/2