Qu’est-ce que Porest ? Est-ce de la musique ? Un collage ? Un paysage sonore imaginé ? Un sentiment ?
Eh bien oui, c’est tout cela à la fois. C’est un monde recontextualisé, avec des enregistrements de terrain superposés à des émissions de radio, et des enregistrements de saz électriques, de cordes, de balypso, d’anches et de synthétiseurs. C’est un grand melting-pot, un paysage sonore expérimental, où des éléments du monde réel sont superposés en quelque chose de plus, quelque chose d’étranger, quelque chose de nouveau, quelque chose de Porest.
Il a été enregistré par Porest et ses amis entre 1995 et 2020 à West Oakland, en Allemagne, à Sumatra, en Syrie, à Hanoi et à Londres. C’est de l’art sonore électro-acoustique exotique, où les instruments en direct augmentent les paysages sonores, renforçant la collision des traditions, et amenant le tout dans un endroit nouveau. Je n’ai pas réussi à trouver cet endroit.
Porest est l’œuvre d’un producteur, musicien et archiviste audiovisuel qui a beaucoup travaillé avec le label Sublime Frequencies. Son travail est axé sur la musique folk-pop régionale du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud-Est, notamment le Choubi et le Dabke d’Irak et de Syrie. C’est également à lui que l’on doit d’avoir attiré l’attention de l’Occident sur le travail d’Omar Souleyman.
Son travail en tant que Porest est nettement plus étrange à l’extrémité plus expérimentale du spectre. L’album Cancer in The Soft Breeze, au titre charmant, se compose de 16 morceaux qui ne durent guère plus de 3 minutes (à l’exception du morceau-titre de 10 minutes), et parfois beaucoup moins. L’ensemble change radicalement d’un morceau à l’autre, d’une approche à l’autre, d’une musicalité à l’autre, ce qui le rend assez difficile à appréhender. Dans une certaine mesure, il semble très personnel, avec une signification connue seulement de son créateur – comme une sorte de journal sonore, mais qui n’aime pas jeter un coup d’œil au journal intime de quelqu’un d’autre – en particulier quand il est aussi voyageur ? Mais en un sens, il s’agit aussi d’une rétention consciente de sens, d’une obscurité volontaire et d’une absence de repères faciles. Il faut du temps pour s’immerger dans la complexité et la stratification. On a le sentiment que le sens sera différent pour chaque auditeur.
***1/2