Ty Segal: « Harmonizer »

Neil Young a écrit un jour que « vous devez ramper pour être grand » (you’ve got to crawl to be tall). Cette phrase, qui évoque l’idée que l’on doit faire l’expérience de l’enfance avant de devenir maître, résonne infiniment dans le douzième album studio solo de Ty Segal qui vient de sortir : un opus étonnamment axé sur l’électronique et le groove, tissé à partir de fibres sommaires qui rappellent Emotional Mugger et First Taste. Alors que Segal rappelle littéralement les paroles de Neil Young sur le morceau d’horreur extraterrestre « Erased », cette ligne sert de guide involontaire alors qu’il avance tête baissée dans le territoire des boîtes à rythmes et des synthétiseurs, jusqu’alors inexploré à cette profondeur.

Harmonizer reflète inévitablement l’impossibilité de science-fiction de nos 16 derniers mois, un disque développé dans un cadre live, sans performance, qui alimenterait son aura extra-planétaire. À quatre disques de ce que beaucoup ont appelé le dernier album « psych rock » de Ty Segal et confortablement installé dans l’a période Freedom Band de sa carrière, Harmonizer s’appuie fortement sur ses récentes obsessions pour l’écriture vocale (Ty Segall, 2017) et l’instrumentation expérimentale basée sur le rythme (First Taste, 2019).

Mais dans sa ligne de mire se trouve le « Eventide Harmonizer », une arme secrète de studio de modulation de hauteur vintage et bizarre, utilisée avec amour par David Bowie, Grateful Dead, AC/DC, Van Halen, Frank Zappa et au-delà, et à laquelle ce disque et son tout nouveau studio d’enregistrement doivent leur nom. C’était même l’une de ses seules pièces d’accompagnement lors de sa performance solo inédite en confinement.

Ce disque, qui n’est pas sans rappeler Sleeper (2013), fait partie du catalogue vermoulu et magnifiquement tentaculaire de Segal qui porte directement sur sa manche ce qui se passe dans son monde. C’est ce qui se passe lorsque l’amateur de rock and roll le plus grand et le plus expressif du 21e siècle est enfermé chez lui pendant deux ans, incapable de créer avec ses collaborateurs habituels ou de faire tourner un amplificateur, et qu’il est réconcilié avec une boîte à rythmes, des synthétiseurs et sa guitare. Il chante sur le fait d’être coincé à la maison, de regarder des photos de vieux souvenirs, la météo, et fait même appel à sa femme, Deneé, pour prendre la voix principale sur une chanson qui parle littéralement de quelqu’un qui vous fait vous sentir bien. De quoi d’autre avons-nous pu parler au cours de ces 18 derniers mois ?

Harmonizer est le résultat de notre voyage collectif dans l’univers alternatif qui est accidentellement devenu notre réalité, réfracté par la lentille prismatique multicolore de Ty. Harmonizer, c’est nous tous.

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