Le fait de sortir un album éponyme semble toujours être une démarche étrange de la part d’un groupe dnt la carrièreest en plein essor. C’est souvent le fait d’artistes gonflés par un peu d’arrogance ou d’une équipe marketing qui tente de remettre une rockstar naissante sur la carte. Il semble étrange que le modeste trio surf-rock La Luz opte pour cette approche pour son quatrième album studio.
Mais plutôt qu’un exercice égostiste, l’appellation de La Luz témoigne de l’affinité émotionnelle et musicale qui existe entre les membres du groupe. Et c’est cette affinité qui leur a permis de concocter leur œuvre la plus intime à ce jour. Languissante dans sa composition et plus viscérale que jamais dans son lyrisme, l’atmosphère chatoyante et moelleuse de La Luz ressemble beaucoup à un matin de sommeil où l’on se réveille à côté d’un ancien amoureux, ou à une promenade du dimanche matin dans le parc avec un nouveau.
Des ballades léthargiques et veloutées comme « Lazy Eyes and Dune » et « Oh, Blue » – cette dernière étant soutenue par une version ralentie et atténuée des « doo-wops » ensoleillés habituels du combo, qui donne un peu l’impression de prendre un disque vinyle et de le mettre sur la platine à la mauvaise vitesse – sont des pastiches tentaculaires et intimes du fonctionnement interne du cerveau de la compositrice Shana Cleveland. D’autres moments sont plus directs : les instruments scintillants du morceau teinté de rose « Here on Earth » et les rythmes pop vintage de « I Won’t Hesitate » flottent comme des chansons d’amour élémentaires.
Les éclairs un peu plus percussifs de l’album amplifient le psychédélisme. Metal Man » est une symphonie fiévreuse de réverbération convulsive, de battements de tambour ascendants et de synthétiseurs tourbillonnants qui se nouent comme un enchevêtrement de liserons dans un jardin non entretenu, tandis que le doux et apathique « Watching Cartoons » joue avec des harmonies luxuriantes soigneusement tissées qui dérivent sur des rythmes psychologiques somnolents infusés de jazz, avec un riff de guitare nasillard occasionnel qui sert de rappel voilé des racines surfeuses du groupe.
À bien des égards, ce nouvel album s’écarte subtilement de la marque de surf-noir estival du trio. Les riffs de plage sont remplacés par des synthés spectraux et les valeurs de production floues et lo-fi sont détournées par des instrumentaux traînants et catatoniques qui semblent bien éloignés de la piscine-chic sculptée sur Weirdo Shrine et Floating Features. Mais malgré toutes ses digressions stylistiques, La Luz, avec ses textes complexes et son son sirupeux, est peut-être la représentation la plus authentique de ce groupe à ce jour.
***1/2