Nous connaissons tous aujourd’hui la notion de « temps pandémique » – lorsque votre routine normale a été perturbée au point qu’il est difficile de se rappeler le jour de la semaine et encore moins l’heure de la journée. Deux compositrices/improvisatrices expérimentées basées à New York, la pianiste Sylvie Courvoisier et la guitariste Mary Halvorson, ont tenté de saisir ce phénomène dans 12 pièces en duo.
Bien que toutes deux soient bien connues dans les cercles du jazz créatif moderne, leur approche sur Searching for the Disappeared Hour est plus orientée vers le classique, ou du moins mieux décrite comme du jazz de chambre. À cet égard, chaque composition comprend une série de structures mélodiques et harmoniques que Courvoisier et Halvorson traversent avec fluidité. Il y a peu de répétitions ou de développement thématique traditionnel – ils disent leur morceau et passent à autre chose. Mais en plus et entre les aspects écrits, il y a beaucoup de place pour l’improvisation.
À première vue, le ton est pastoral et calme, avec des thèmes contrapuntiques colorés et enjoués, allant du dépouillement à la densité des arrangements. Mais après une écoute plus approfondie, l’expérimentalisme de ce duo apparaît au grand jour. L’utilisation par Halvorson de techniques étendues et de note-bending à l’électrique dissipe toute idée de facilité d’écoute, tout comme les moments anguleux et percussifs de Courvoisier. Mais le plus remarquable est sans doute la façon dont ils ont su capturer les montagnes russes émotionnelles des 18 derniers mois. Même au sein d’un morceau, l’humeur peut passer plusieurs fois entre des interludes joyeux et des expressions plus sombres. Le bonheur peut se transformer en un instant en morosité ou en mélancolie, et vice versa.
Par conséquent, Searching for the Disappeared Hour fonctionne à plusieurs niveaux. Il peut être écouté comme un témoignage des prouesses techniques de deux musiciens. Mais c’est aussi une exploration étrangement émouvante de la désorientation que nous avons tous ressentie ces dernières années.
***1/2