C’est une année exceptionnelle pour la musique expérimentale interprétée au violon. L’une des sorties mémorables jusqu’à présent – Threshold de gabby fluke-mogul – emmène l’instrument dans des territoires inexplorés, mais ce nouveau projet d’Alex Cunningham prend un chemin totalement différent tout en laissant une impression tout aussi lourde. As Slow as the Stream est une excursion improvisée de 33 minutes qui se déplace à une telle vitesse et avec une telle présence qu’elle finit par devenir une caverne claustrophobe incrustée de diamants, sans espace pour bouger.
Cunningham est adroit, courant sur la touche comme un colibri trouvant un jardin secret et intact. L’urgence et l’excitation brûlent à travers le morceau, éclairant la pièce d’une force sonore. C’est une musique qui demande de l’attention, Cunningham changeant de vitesse avec aisance et s’amusant à enrouler le morceau sur lui-même comme un ouroboros qui joue des tours. Des séquences répétitives deviennent supernova, brillent d’une harmonie surprenante et d’une ferveur sans limite.
De nombreux passages ont un fond mélodique anguleux qui est hypnotisant. Cela nous rappellera Moving My Body Through Space de Ted Byrnes dans le sens où la folie rapide et ininterrompue devient paradoxalement méditative. La nature écrasante et maximale dece que nous livre ici Cunningham, qui avait pour seule contrainte de « ne pas utiliser l’espace », est enveloppante. Une résonance hurlante s’échappe de l’archet de Cunningham. Elle devient effervescente comme si Henry Flynt martelait ce violon avec des sacs de sable remplis de poussière d’étoiles. As Slow as the Stream est un sacré voyage.
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