Moor Mother: « Black Encyclopedia Of The Air »

Parfois, nous devons simplement nous asseoir, fermer notre gueule et écouter (et lire). Nous ne parviendrons jamais à rendre le monde meilleur en nous battant pour attirer l’attention sur les médias sociaux avec des petits carrés noirs, à moins de nous écarter, de donner une plateforme et d’honorer l’action des autres.

Nous serons toujours dans un cycle d’impérialisme culturel qui proclame fièrement que la suprématie blanche est naturelle, à moins que nous ne reconnaissions les privilèges que nous possédons, construits sur le dos brisé des autres.

Nous reproduirons perpétuellement les conditions du pouvoir si nous n’écoutons pas les voix qui s’expriment rarement.  Dans un premier temps, nous devons prendre le temps d’écouter.

Sous le nom de Moor Mother, Camae Ayewa sort un hip-hop stimulant, tordu et afrofuturiste depuis Fetish Bones en 2016, le premier album qui l’a annoncée comme une artiste digne de votre attention. Ses concerts incendiaires – portez des bouchons d’oreille – élèvent eu summum dit-on, les sensations l’expérience un autre niveau, niveau que peu d’artistes étant capables d’atteindre, et encore moins de maintenir, en matière d’intensité vitriolique et affirmative de la vie. Ayewa le pense vraiment. Dans un genre étouffé par une gamme limitée de types de personnalités et de biographies que les gens veulent percevoir comme « authentiques », l’assaut sonore intellectualisé de Moor Mother n’est rien d’autre qu’un bonheur et une libération intellectuelle.

Black Encyclopedia of the Air est un enchevêtrement serré de messages politiques et spirituels qui n’oublie pas d’être divertissant en même temps. Oui, c’est toujours expérimental, mais, contrairement à la plupart des productions de Moor Mother, c’est aussi un hommage à la culture musicale avec laquelle elle est le plus souvent en phase, à savoir le hip-hop. Sa musique précédente a exposé la folie des idées de genre, d’étiquettes et de restrictions créatives, mais sur ce disque, les rythmes, les collaborations et le clin d’œil insolent à Missy Elliott sur « Rogue Waves » se combinent pour faire de cet album le plus hip-hop d’Ayewa.

Le premier titre, « Temporal Control of Light Echoes », est la composition la plus sinistre de Moor Mother, ; elle est aussi a plus bouillonnante et la plus dissonante. Plutôt que d’être un avant-goût des choses à venir sur l’album dans son ensemble, il agit comme un prologue faisant le lien entre ses précédents disques et celui-ci. Le paysage dystopique de la réalité alternative de Confederate, qui sous-tend une grande partie de la narration de l’album, est mis en évidence sur « Mangrove », une collaboration avec Elucid et Antonia Gabriela, qui place un rap agitateur sur des lignes de clavier R&B jazzy distendues et perturbées, qui vont et viennent de manière achronologique et chaotique. Il s’agit d’une narration ahistorique dans le sens où ce ne sont que des histoires de pouvoir et d’oppression, d’opposition et d’incarnation idéologique hégémonique d’une physicalité abusive, comme cela a toujours été le cas. La musique comme mémoire. La musique comme apprentissage.

Le Londonien Brother May occupe le devant de la scène sur « Race Function Limited », soulignant la nature globale du besoin d’unir et de rendre audibles les voix conscientes de la lutte contre les déséquilibres sociaux construits. Pour paraphraser Bell Hooks, les régimes terroristes utilisent l’isolement pour briser l’esprit des gens, et l’endoctrinement nationaliste du capitalisme tardif est peut-être le summum de la division innée des humains, qui cherchent des boucs émissaires qu’on leur envoie. Pink Siifu, Maasai, et BFLY, entre autres, font de ce disque une exploration complète d’un éventail de voix et de perspectives, unies par une indignation intelligente et juste face à l’état des choses. 

Bien qu’enraciné dans le hip hop, il y a encore beaucoup d’excursions sonores qui soulignent ces points de vue, en particulier dans les dernières étapes. « Zami » revisitera l’amour de Moor Mother pour le bruit, tandis que « Clock Fight » utilise des inflexions jazz avec des percussions d’Afrique de l’Ouest pour un effet délirant. « Tarot » est, de son côté, un point culminant cosmologique, Sun Ra-esque, avec des voix flottantes qui entrent et sortent du champ, racontant des histoires de « blackface democracy / Slave house Senate » avec une intonation qui frise l’ennui – ou peut-être la fatigue qui vient avec l’observation de l’inévitable.

Black Encyclopedia of the Air est une œuvre en constante évolution, délibérément dépourvue de structure musicale, tout en restant centrée sur le thème du pouvoir hégémonique. La voix d’Ayewa est souvent étirée, la plaçant comme un narrateur hors du corps, un signifiant voyageant dans le temps au milieu de forces divergentes d’agence et de subordination.  Voici une œuvre fremarquable et importante ; l’écouter est une nécessité

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