Un air impressionnant se cache dans la capacité de L’Rain à gérer l’équilibre de deux atmosphères aux antipodes : rêveuse et réelle. Afin de capturer l’essence de sa poésie remuante, la multi-instrumentiste Taja Cheek, basée à Brooklyn, utilise l’émotion comme source de puissance et navigue dans une fusion de styles – combinant principalement néo-soul, jazz, néo-psychédélisme et collage sonore comme ingrédients d’une signature personnelle unique.
Si son premier projet éponyme, sorti en 2017, centré sur le décès de sa mère, était une carte postale idéale pour saisir tout son potentiel, Fatigue est le reflet de son concept. Fatigue se veut donc une évolution d’état d’esprit, spirituellement aussi, non pas comme quelque chose de radical, mais plutôt comme une amélioration. Une mission accomplie avec brio, tant sur le plan thématique que musical.
Soutenu par le producteur Andrew Lappin, ainsi que par vingt autres participants cruciaux de la musique à l’imagerie, Fatigue est enraciné au plus profond du cœur de L’Rain ; intégrant des éléments tels que l’interaction, la force d’un groupe, ainsi que la réflexion personnelle. Pointant du doigt la négativité, l’insécurité, l’injustice, voire une façon de penser désabusée qui sont plus que jamais d’actualité, à travers diverses émotions, l’objectif de L’Rain est de trouver un compromis spirituel qui mène au juste milieu, à l’acceptation, pour éviter une vision uniforme.
Pour cela, L’Rain délivre une harmonie musicale riche et hypnotique, sur une large palette, entre sampler, guitare, instruments à cordes et à vent, synthétiseurs, le tout vous transportant, vous emportant dans un voyage enivrant. Fidèles au processus, de nombreux intervenants viennent apporter leur pierre à l’édifice. A l’inverse, L’Rain s’adonne régulièrement à des interludes confidentiels, introspectifs, comme si le temps s’arrêtait pour capter une émotion précise. L’utilisation de boucles agit comme un battement de cœur, les pulsations tracent la réflexion et l’interrogation.
Chaque élément de Fatigue a son importance, se distinguant également par la prouesse de quelques grands moments forts et variés. Tout d’abord le profond « Find It », une aventure envoûtante et vaporeuse, qui se conclut sur un gospel transcendant. Par sa modestie, « Blame Me » respire la beauté grâce à son orchestration et à la douceur de ses mélodies. Le jazzy « Two Faces » brille par une musicalité chaleureuse même si le sujet illustre un profond regret. Enfin, le sensationnel « Suck Teeth » est une démonstration magnétique à couper le souffle. On finit même par regretter que Fatigue soit si court.
***1/2