Près de 15 ans; c’est une longue période pour être dans un groupe. Comment faites-vous pour que le jus créatif coule à flot ? Certains ensembles trouvent une chose dans laquelle ils sont bons, et continuent à la faire, à l’infini. (Voir : Bad Religion, la plupart des groupes pop.) D’autres réinventent audacieusement leur son, rejetant les styles abrutissants du passé dans l’espoir de réussir à capturer quelque chose de nouveau et de vital. (Radiohead, Tegan And Sara, n’importe quel nombre de groupes bruitistes qui se lassent de leurs pédales de distorsion). Mais dans l’ensemble, la majorité des groupes continuent simplement à élargir lentement leur palette sonore, tout en s’accrochant au concept fondamental qui les a fait naître en premier lieu. Dans le cas de The Joy Formidable, une confrontation constante avec le passé est devenue une partie intégrante de la discographie tumultueuse du groupe. Cette tension est mise en évidence sur Into The Blue, un disque qui s’efforce de redécouvrir la magie du mixage du groupe, tout en essayant de concilier ce qui a été fait auparavant avec le désir de voir tout cela avec un regard neuf.
Tout au long des années 2010, la production du groupe a ressemblé à une lutte constante pour transcender le succès arena-rock instantané du premier album The Big Roar, une fusion quasi parfaite de riffs de guitare massifs et de refrains encore plus massifs, le tout ancré par le chant joyeux et triomphaliste du chanteur Ritzy Bryan, éloquent et abstrait à parts égales. Wolf’s Law, sorti en 2013, reprend la même formule et tente de recréer la magie qui a prouvé que les débuts du groupe n’étaient pas un hasard.
Mais Hitch s’est éloigné musicalement sans apporter grand-chose en retour, un cas évident de douleurs de croissance qui n’ont jamais trouvé d’exutoire solide. En 2018, cependant, il semblait qu’une renaissance créative était en train de se produire, Aaarth incorporant un mélange capiteux de nouvelles influences et techniques à la bombarde riff-rock du groupe, ce qui a donné lieu à un album qui possédait moins de catharsis légère, mais une transition admirable vers un type de groupe légèrement différent, tout aussi à l’aise avec les grooves décalés qu’avec les hymnes à quatre sur le plancher.
C’est ce qui fait de Into The Blue un disque si étrange. Bien que l’on y trouve quelques fioritures diverses – et deux chansons basées sur une profonde ballade à la guitare acoustique – c’est un retour indéniable à la forme initiale, bien qu’avec la sensibilité évidente d’un groupe qui s’efforce de trouver à nouveau la magie dans la formule. « Je ne retournerai pas à rien » (I won’t go back to nothing), chante Bryan sur « Back To Nothing », une épopée shoegaze magistrale qui donne néanmoins une voix à l’incertitude musicale capturée par l’album : « Que ça se termine… il n’y a pas de rencontre au milieu, maintenant. » (Let this end… there’s no meeting in the middle, now) se répète en leitmotiv cette phrase, et on a l’impression qu’elle s’adresse au groupe qui rejette tout ce qui est trop aventureux, et qu’elle se concentre sur les rythmes et les riffs hard-rock pulsés sur lesquels The Joy Formidable a fait ses preuves.
***1/2