Great Silkie: « Dawn Chorus »

Great Silkie, combo originaire de Londres, a remué les eaux du psychofolk pastoral avec ses premiers « singles » « Scared To be Alone » et « So Many Hours », et il revient aujourd’hui sur la crête de la vague à laquelle son premier album Dawn Chorus va certainement donner naissance. Le chanteur et guitariste Sam Davies a écrit son album dans une solitude quasi-totale à la campagne, alors qu’il traversait une sorte de crise existentielle, puis il l’a enregistré en direct sur des bandes analogiques afin de capturer au mieux l’essence du groupe. Décrit comme si « Syd Barrett chantait avec les Byrds et jouait des chansons de Pentangle avec la jeunesse des premiers Blur » (une analogie pertinente à certains égards), Great Silkie capture quelque chose de chacun de ces groupes ; toutefois, Dawn Chorus n’est pas un simple hommage, il se passe en effet quelque chose ici qui suggère un talent nouveau et unique qui creuse un sillon authentique et fascinant qui lui est propre. Le plus excitant, c’est que ce n’est que le début, le début de ce qui, espérons-le, sera un voyage pour rivaliser avec certains des artistes auxquels Great Silkie est comparé.

S’ouvrant sur le sarclage brumeux du dimanche après-midi et la wah-wah laconique de «  Ten Pounds « , il est immédiatement évident que quelque chose de spécial est en train de se produire. La voix tranchante et passionnée de Davies ajoute un sens du hors-champ et un côté new wave anguleux au cadre décontracté, avant de plonger dans la mélancolie façon « west coat » de « Nothing Will Change » avec ses harmonies chaudes et luxuriantes et sa belle mélancolie. Construites de main de maître, ces chansons se tordent et se transforment ; il n’y a rien de prévisible ou de piéton ici. Au contraire, il y a une approche délibérément créative et expérimentale à l’œuvre, bien qu’elle soit alignée avec un fort sens de la mélodie – en effet, par moments, Great Silkie fait penser à Wire dans sa version la plus psychédélique, vers « Outdoor Miner ». « I Don’t Know How To Say I Love You (These Days) « , en revanche, est un morceau de beauté baroque, amoureusement embelli et mené par le piano, avec une guitare slide qui pleure sur un refrain envolé. Il y a une véritable ambiance de fin d’été sur l’album, reflétant peut-être le processus d’écriture et le lieu où il a été enregistré, une nostalgie et une réflexion qui nous touchent et nous évoquent dans la même mesure. On peut presque sentir la lumière du soir qui projette des ombres et des formes, alors que la journée touche à sa fin. « Birthday Wish » en est un bon exemple, ses descentes de guitare ajoutant à la fois une tension tranquille et une sensation de temps qui passe, de longs après-midi solitaires.

« Silly Boy » suvra, avec la batterie habile de Charlie Salvidge qui propulse les lignes de guitare cristallines d’une manière dynamique et excitante, démontrant que Great Silkie peut habilement passer à la vitesse supérieure quand il le faut. « Gone Long », quant à lui, révèle l’amour de Davies pour la scène de Canterbury, découverte lors de son déménagement de Berlin à Wiltshire, ainsi que les aspects plus pastoraux des Kinks et de Pentangle. Des harmonies vocales qui font se dresser les cheveux sur la tête intercalent un couplet circulaire et brumeux, la chanson dans son ensemble évoquant une sensation céleste et pourtant d’un autre monde, à la fois sacrée et étrange. Par contraste, la terreuse et carillonnante « How Could This Happen » s’élancera sur les courses de basse fluides d’Andrew Saunders, aux côtés des explosions de guitare enflammées de Davies et de son jeu de précision en forme de cloche. Ensuite, la chaleur acoustique bucolique de « Great Blondel » se fraie un chemin dans l’âme, un regard campagnard vers l’horizon qui canalise à la fois Bert Jansch et Syd Barrett, tout en restant une créature à part entière. Le jeu de guitare de Davies mérite une mention spéciale ; immaculé et porteur, complexe mais pas voyant ni égocentrique, il ajoute de la texture et de la tapisserie plutôt que de la frime. Son jeu apporte également un sens de l’originalité et un style reconnaissable, peignant un certain nombre de coins et d’angles bizarres et agréables sur la toile de Great Silkie. Comme pour prouver ce point, ‘Such Silence’ termine l’album sur une séquence de figures de guitare en écho et en boucle qui conspirent pour créer une ambiance et une atmosphère dont Eno lui-même serait fier à juste titre. De douces vagues d’orgue déferlent, tournant en rond et se superposant jusqu’à ce qu’un chœur d’harmonies vocales sans paroles et une guitare à l’archet viennent clore le tout de manière cinématique et émotive.

Pour un groupe aussi jeune (bien qu’ils aient chacun un certain pedigree dans des formations et collectifs précédents), c’est un travail étonnamment accompli. Dawn Chorus est à la fois riche et orné de détails et de décorations folkloriques, tout en laissant beaucoup d’espace pour exister dans les chansons, leur permettant de respirer. Il est aussi chaleureusement réconfortant, tout en étant empreint d’une tristesse tranquille. De plus, le son de Great Silkie est peut-être vintage, mais il est totalement en dehors du temps et des modes, vivant confortablement dans son propre univers et sa propre époque. Dawn Chorus est donc, à ces multiples égards, un kaléidoscope délicat, un album aux multiples facettes, visages et côtés. L’écouter, c’est s’extraire du monde pour un temps, se laisser transporter ailleurs. Et qui ne le voudrait pas ? 

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