Field Kit est le premier album éponyme de ce collectif musical basé à Berlin, dirigé par la violoniste et compositrice allemande Hannah von Hübbenet. Pour cet album, cette dernière a collaboré avec le pianiste, compositeur et producteur berlinois John Gürtler, et ensemble, ils ont produit un album de compositions originales et surprenantes.
Grâce à un savant mélange de sons industriels glacials et d’épisodes acoustiques plus chaleureux, une atmosphère de « cyber-noi » s’installe. Le futur rencontre le rétro, et leurs deux mondes sonores individuels entrent en collision. Des sections de cordes délicatement pincées entourent la voix et les autres instruments, dégageant une certaine chaleur corporelle et réchauffant la musique, et la nature hautement rythmique de la musique est toujours au cœur de la tempête. Les sons mécanisés et robotiques sont toujours à portée de main, donnant une impression d’acier à tous les autres morceaux. Mais, en se libérant, en se coupant complètement des fils désordonnés de l’émotion humaine, les sections les plus motorisées de Field Kit ont pour effet de renforcer la musique, de la rendre plus résolue, plus froide ; ses bras robotiques sont capables de soulever des poids qui auraient écrasé un squelette mortel. C’est l’équilibre que von Hübbene et Gürtler ont cherché à atteindre, et ils avancent d’un pas assuré.
Field Kit est, ainsi, capable de façonner un son innovant en utilisant des débris et des matériaux provenant de décennies plus anciennes, ainsi qu’un futur pas encore réalisé, qui résonne dans les couloirs d’un temps à venir. La musique semble mûre pour la cueillette, même si certaines parties de son son se situent quelque part dans le futur, et, comme beaucoup de science-fiction spéculative, elle ne dépeint pas les perspectives les plus roses. Les cordes sont capables de porter des coups dévastateurs, avec de nombreuses guerres à mener encore à l’horizon, et à d’autres moments, elles se flétrissent dans la chaleur suffocante due au spectre implacable du changement climatique, qui est ici et maintenant, dans les récentes et sans précédent inondations européennes et les températures punitives le long de la côte ouest des États-Unis. C’est pourquoi ce disque est aussi très humain, dans la mesure où il aborde de front le concept et la réalité de la souffrance, qui a une emprise permanente sur l’espèce, s’accrochant à l’humanité quelle que soit l’époque actuelle ; c’est une constante.
D’une manière ou d’une autre, le tandem a sculpté un disque aux angles aigus et à l’architecture forte, un son qui ne ressemble à aucun autre, mais une musique qui est toujours capable de s’unir, alors qu’on aurait pu penser que c’était impossible. Les contraires s’attirent, et la musique ici est capable de transcender ses différences, ses contrastes, faisant renaître quelque chose de nouveau de ses cendres.
***1/2