Entrer dans le premier album de White Flowers, Day by Day, ce n’est pas tant empiéter sur un ensemble de chansons que sur un univers alternatif : un monde souterrain dystopique construit sur des contrepoints ; une société où les opposés sont la norme. Les guitares de Joey Cobb, lourdes d’émotions, sont superposées à la poésie envoûtante de Katie Drew. Tantôt nostalgique et céleste, tantôt chargé d’anxiété. Il cherche – se languit – de réponses, mais ni la lumière ni l’obscurité ne lui offrent de guide.
Le duo de Preston a dû attendre, pour diverses raisons, avant de mettre ces chansons au monde, car elles datent de plus d’une demi-décennie. La composition la plus ancienne de la collection, « Help Me Help Mysel »f, possède une naïveté attachante. C’est le moment où la voix de Drew se fait entendre le plus clairement – « I’ve been walkin’ around in a daze » ( Je me promenais dans un état second) – ses mots nous conduisent, par la main, dans le même espace de réflexion que le long player emmène son auditeur. Le fait que ces chansons soient marquées par le doute des adolescents ne fait que rapprocher la diégèse de Drew. Plus proche. Elle regarde vers l’avenir, mais les réponses ne font que la ramener au même point de départ. « Help me help myself » (Aide-moi à m’aider moi-même) est plus facile à dire qu’à faire. Sur un disque qui prendra du temps, c’est peut-être l’offre la plus immédiate – la ligne de refrain envolée de Drew coupant les bords flous de la ligne d’horizon du disque.
Produit par Jez Williams dans son studio de Manchester, les contributions les plus révélatrices de l’homme des Doves sont les subtils changements dynamiques qu’il apporte à un album qui a été en grande partie enregistré à la maison. Les percussions hypnotiques de « Night Drive » sortent du brouillard granuleux sur un groove qui ne pourrait venir que du nord de l’Angleterre, tandis que l’outro de « Dayligh »t met en lumière la subtilité, les synthés émergeant du mix pour compléter les paysages abstraits addictifs de Cobb, à la Paul Klee – en noir et blanc bien sûr.
Le fait que la pochette de Day by Day soit présentée dans les mêmes couleurs qu’un Penguin Modern Classic prend de plus en plus de sens au fil des écoutes. Comme l’exemplaire usé de votre livre préféré, son intrigue, ses sous-intrigues et les récits cachés tissés dans son tissu ne commenceront à se révéler qu’avec le temps. Sur le morceau le plus proche, Nightfall, Drew chante d’un falsetto aérien : « I’m following you wherever you go – you won’t shake loose, no no » (Je te suis partout où tu vas – tu ne te détacheras pas, non non..) – une métaphore, en effet, pour un LP prêt à s’installer au plus profond de votre conscience.
***1/2