On n’assimile pas le jeu de pedal steel à la composition classique, mais c’est ce que Susan Alcorn a fait toute sa vie. La célèbre joueuse de pedal steel a donné l’impulsion nécessaire pour que l’instrument prenne du poids en dehors de ses motifs et modèles traditionnels. La place de l’instrument dans les compositions d’ambiance et de drone est désormais bien connue, mais The Heart Sutra le fait entrer dans un contexte de sextuor avec des résultats très vivants.
Arrangé par Janel Leppin, The Heart Sutra donne vie aux recherches d’Alcorn avec l’énergie d’une musique de chambre qui s’attarde avec impact. Leppin crée non seulement pour la pédale d’acier qui soutient le travail d’Alcorn, mais aussi pour chaque instrument de l’ensemble afin de créer des réverbérations naturelles et des espaces à l’intérieur et à l’extérieur de la pédale d’acier. Les résultats se fondent dans une histoire qui n’est pas sans rappeler la musique des compositeurs russes du début du XXe siècle (Asafyev, Prokofiev). Il y a de la tension, du timbre et de la timidité alors que chaque instrument tisse délicatement ensemble. Il y a parfois des heurts, mais souvent un son s’efface au profit d’un autre.
Bien que The Heart Sutra soit une performance « live » vieille de près de dix ans, sa puissance semble plus palpable à cet instant. Une grande partie de l’enregistrement est aérienne, presque isolée de la foule et des circonstances dans lesquelles elle a été jouée. L’élégance primitive de « Mercedes Sosa » cède la place au grattage primitif de « Gilmore Blue » – un retard dans la façon dont une idée est traitée et rediffusée comme un jeu de téléphone de travers. Dans ce vide, le travail d’Alcorn et les interprétations de Leppin jouent avec le postulat de communication dynamique SMCR (Sender, Message, Channel, Receiver) alors que nous connaissons déjà des interruptions de ces modèles en raison de la politique et des pandémies. Mais il s’agit ici d’une expérience digne d’intérêt.
***