On dit que le changement est la seule constante de la vie. Si c’est vrai, on oublie souvent la myriade d’émotions qui l’accompagne. Doute, regret, excitation. Ces choses sont souvent entremêlées et dans son nouvel album, Changephobia, Rostam Batmanglij explore toutes les textures émotionnelles que le changement peut apporter. Le talentueux producteur, multi instrumentiste et auteur-compositeur est passé par un monde de changements ces dernières années.
Après avoir quitté Vampire Weekend à l’apogée du groupe, Batmangli a déployé ses ailes créatives en travaillant avec une tonne d’artistes talentueux, ainsi qu’avec son propre matériel solo, et sur ce dernier album, son travail acharné porte définitivement ses fruits. Tout d’abord, la production de l’album est absolument sublime. On y trouve certes des traces de son travail de production avec Vampire Weekend, mais Rostam reprend ce qu’il a fait sur ces disques et le fait exploser en technicolor vivant. La batterie pulse et les synthés s’écrasent comme des vagues, tandis que les guitares vont et viennent. Même si tout cela sonne bien, les chansons sont vraiment la star du spectacle.
« These Kids We Knew » démarre avec un groove légèrement sous-marin qui se révèle avec les paroles de la chanson. S’inspirant d’un rêve fiévreux qu’il a fait, Rostam chante une jeune génération qui se lève pour prendre tout le pouvoir qu’elle peut sur une génération plus âgée, indifférente et insensible à un monde en crise. Ces enfants que nous connaissons depuis si longtemps ne parlent pas comme on leur a parlé, par les gouvernements ou les empereurs, ils vont vous aligner sur le trottoir. C’est un sentiment courageux qui lance un cycle de chansons sur le changement, d’où il vient et comment il nous affecte tous. « From The Back Of A Cab » est une belle prise sur la nature fugace des relations modernes. Sur un groove très Odd Blood-période Yeasayer, Rostam chante dans son ténor tranquille, « Et à l’arrière d’un taxi, on s’assoit plus près/et je pose ma tête sur ton épaule/de l’arrière du taxi jusqu’à l’aéroport/je suis heureux que toi et moi ayons cette heure-ci » (And in the back of a cab we sit closer/And I rest my head down on your shoulder/From the back of the cab to the airport/I am happy you and I got this hour) et c’est magnifiquement doux-amer. Ailleurs sur Changephobia, Rostam peindra sur une toile plus large. « 4Runner » est ainsi grande et audacieuse, remplie à ras bord d’une guitare hymne et d’un groove percussif, Rostam explore le nouvel amour et combien tout cela est frais et excitant. Avec pour toile de fond un voyage en voiture avec cette autre personne,le musicien saisit parfaitement à quel point il peut être merveilleux de se lancer dans ce genre de changement.
Comme les autres projets auxquels Rostam a participé au fil du temps, Changephobia est frais, spontané et rempli d’une quantité vertigineuse de couches, tant sur le plan musical que sur le plan des paroles. Rostam fait preuve de beaucoup de profondeur et de croissance tout au long de l’album et prouve sa thèse selon laquelle le changement est constant et, même avec toutes les émotions plus sombres qui l’accompagnent, il ne faut pas en avoir peur.
***1/2