Wild Pink est un groupe pour toutes les saisons. Lorsque on les ai entendus pour la première fois en 2018 et eur fantastique deuxième disque, Yolk in the Fur, nous a accompagnés grâce à un son indie rock doux et apaisant qui semblait être la bande-son parfaite pour illustrer ce que serait une naturure environnante– il gonflait comme le vent chaud de l’été, s’estompait comme la couleur des feuilles qui se préparaient à leur automne prochain. On ne pouvait que penser que c’était ainsi que Wild Pink devait être entendu.
Maintenant pourtant on ne peut plus en être aussi sûr. Leur nouveau disque, A Billion Little Lights, est sorti au cœur de l’hiver, lorsque la neige devient grise sur les trottoirs des villes. Et, miraculeusement, le rock indé de Wild Pink – désormais teinté de country western Americana – frappe tout aussi fort qu’il l’aurait fait dans la chaleur de l’été ou la beauté de l’automne. Le chanteur et auteur-compositeur John Ross a une façon de créer des chansons qui évoquent le monde naturel dans tous ses états ; A Billion Little Lights est, de ce fait, une bande sonore aussi parfaite pour regarder des flocons de neige inhabituellement gros que pour une autre randonnée de fin d’été dans les bois.
Il est facile de comprendre pourquoi il n’y a pas de mauvais moment pour écouter Wild Pink dès le début de A Billion Little Lights. Le morceau d’ouverture, par exemple, « The Wind Was Like a Train » pulse et s’envole, sa beauté étant due en grande partie à Mike « Slo Mo » Brenner, de Magnolia Electric Company, à la pedal steel, un ajout fréquent et charmant à un disque qui sonne comme un regard vers la frontière. L’autre invitée de marque de l’album – Julia Steiner, de Ratboys – fait des choeurs sur plus de la moitié des titres, complétant parfaitement la voix déjà tendre de Ross.
La transition entre « The Wind Was Like a Train » et le titre suivant, « Bigger than Christmas », qui à son tour donne lieu au « single » « The Shining But Tropical ». Cette dernière transition est un point culminant de l’album, sa construction et son relâchement progressifs donnant l’impression de franchir le sommet d’une colline pour admirer un coucher de soleil unique dans une vie. Tout au long de l’album, les chansons se succèdent et s’enchaînent, créant un ordre naturel propre à A Billion Little Lights. Peu importe où ou quand vous écoutez le disque – sa beauté est si autonome qu’elle vous trouve quelles que soient les circonstances.
Les paroles de Ross, quant à elles, sont un mélange touchant de généralisations et de détails. Il capture simultanément la majesté infinie du cosmos, ainsi que notre place minuscule au sein de celui-ci. Ainsi, vous avez des références à Heat et au Temple of the Doomt qui côtoient des ruminations poétiques sur la liberté et la responsabilité personnelles, et tout cela sonne tellement juste. Après tout, quel est l’intérêt de faire de la philosophie si elle n’est pas confrontée aux détails tangibles de la vie quotidienne ? Ross offre une profondeur si simpliste, un talent poétique si constant qu’un catalogue des meilleures lignes de l’album finit par ressembler à la totalité de la feuille de paroles.
L’une des innombrables répliques les plus marquantes ouvre « Family Friends »: « Every day’s Groundhog » (Chaque jour est le jour de la marmotte maintenant), nous dit Ross. Cette phrase est d’autant plus vraie que nous nous apprêtons à passer une année entière enfermés à cause d’une pandémie, à répéter le même jour sans événement, encore et encore. Il est donc incroyable que Ross ait écrit cette chanson des mois avant que COVID-19 ne fasse de la stase notre nouvelle normalité. Pour lui, l’invocation était plus générale : l’ornière constante du travail et du sommeil dans laquelle tant de gens peuvent se retrouver, même sans l’aide d’un virus mortel.
C’est un témoignage de la puissance de Wild Pink que Ross puisse écrire des chansons qui puisent si délicatement dans nos expériences communes, au point qu’elles peuvent nous rencontrer là où les circonstances nous laissent. A Billion Little Lights est une arme de pure beauté, qui se répand dans nos vies et nous aide à chérir les joies que la vie nous offre, aussi petites soient-elles. Wild Pink est un groupe pour toutes les saisons. A Billion Little Lights est donc un disque suffisamment émouvant pour résister à l’épreuve du temps.
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