black midi: « Cavalcade »

Pour tous ceux qui ont découvert Schlagenheim, le premier album abrasif et tentaculaire de black midi, vous savez déjà que le groupe londonien n’est pas du genre à rester en place ou à se répéter. Le combo s’est, en effet, rapidement lassé de la musique de son premier album et il s’est également fatigué de l’étiquette d’improvisation qui lui a été collée. Au cours de leurs premières années, ils se sont délectés de la spontanéité des jams en live et dans leur salle de répétition, mais au bout d’un certain temps, et en particulier pendant les concerts, ils se sont retrouvés dans des voies sonores éprouvées.

Ils ont vite compris qu’il n’y a pas d’improvisation si l’on refait ses propres pas chaque soir. En cultivant les facettes de leur deuxième sortie, le groupe) a pris la décision de générer des idées indépendamment, en vue de se réunir pour planifier méticuleusement ce qui allait devenir Cavalcade avec l’accent sur une structure de chanson définie mais également avec un penchant pour l’expérimentation.

Ne nous méprenons pas ici, ce n’est pas parce que Cavalcade n’a pas été improvisé ou inventé sur place que le dernier opus de black midi n’est pas un voyage étrange et abstrait à travers des paysages sonores toujours changeants et une soif de bruit acerbe et de calme troublant. C’est exactement cela. Le trio composé de Geordie Greep (chant/guitare), Cameron Picton (basse/chant/synthés/échantillons) et Morgan Simpson (batterie) a été rejoint par Kaidi Akinnibi (saxophone), Seth Evans (claviers) et Jerksin Fendrix (violon), qui ont tous contribué à élargir leur palette sonore déjà aventureuse à d’autres saveurs aléatoires. Le groupe a consciemment voulu élargir la gamme de sons sur son nouvel opus, Morgan déclarant : « Le premier album était assez étroit sur le plan des sons. Nous voulions vraiment élargir la gamme de sons et de couleurs. Non content d’avoir ajouté des cuivres et des cordes, black midi a également introduit le piano, le violoncelle, la flûte, un instrument du 19ème siècle appelé marxophone, des bouzoukis et… un wok, qu’ils ont utilisé en conjonction avec un archet de violon.

Cavalcade est un ldisque qui se tord et se contorsionne avec une tendance malléable, un moment une chanson peut être une éruption gonflante et furieuse de noise rock, avant de plonger dans le quasi néant et de revenir. Avec l’inclusion de cuivres et de cordes combinés aux voix de Greep et Picton, l’album prend par moments un aspect théâtral, avec des fioritures dramatiques pirouettant entre le chaos et le calme. Il est intéressant de noter que pour un groupe qui est devenu blasé de faire des choses à l’improviste, une grande partie de leur dernier opus sonne exactement comme ça, ce qui, je suppose, fait partie de l’ADN de la formation. Sur le plan des textes, c’est comme si un flot de conscience s’échappait de la bouche des chanteurs interchangeables, Greep proclamant, de manière plutôt prophétique, « il n’y a pas d’échappatoire à ce vacarme infernal » (there’s no escape from this infernal din) pendant les excentricités math-rock de « John L ». Sur « Marlene Dietrich », une chanson qui partage le même nom que l’actrice américaine d’origine allemande, le même chanteur déclare « notre reine à la voix douce pisse sur la scène » (our soft spoken queen takes a piss on the stage) au cours d’une élégante concoction qui ressemble à de la pop lounge des années 60. Pendant le tremblement complexe et menaçant de « Slow », un morceau qui passe de la guitare et de la batterie à du jazz lfree-form, puis à un silence presque absolu, Picton murmure « chercher/continuer à chercher/lentement il se faufile/lentement il meurt » (searching/still searching/slowly it creeps/slowly it dies) tandis que les bourrasques de saxophone renforcent le sentiment d’anxiété.

Pour leur nouvel album, black midi ont l’air d’un ensemblequi a trouvé un passe-partout pour déverrouiller toutes les possibilités infinies de la musique. Il s’agit d’une expérience intense, qui donne des frissons au cerveau et qui a été créée par un groupe qui se moque de l’idée de frontières et d’attentes.

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