Parfois, les Black Keys peuvent sonner un peu trop comme les Black Keys. Avant d’interpréter cela comme une critique du désormais iconique duo d’Akron, il convient de noter que cela est largement dû à la création réussie d’un son et d’une approche musicale immédiatement reconnaissables. Lorsque des chansons comme « Lo/Hi » et « Gold on the Ceiling » sont apparues à la radio, tout aficionado du rock a immédiatement su que les gros riffs inoubliables appartenaient à Dan Auerbach et Patrick Carney. Aussi, lorsqu’ils ont annoncé la sortie imminente d’une série de reprises dans le style Mississippi Hill Country, on s’est dit que les Keys allaient peut-être insuffler une nouvelle vie à ces vieilles chansons et, du même coup, à eux-mêmes.
Delta Kream marie confortablement le son Hill Country avec l’ambiance unique des Black Keys. Le groupe sonne un peu différemment de son style habituel, mais il reste reconnaissable même s’il a intégré les musiciens Kenny Brown et Eric Deaton – anciens collaborateurs de R.L. Burnside et Junior Kimbrough, dont les chansons figurent en bonne place sur le set. Le résultat est un album de reprises qui réussit à sonner original, ou tout au moins authentique. Cet effet est dû en partie à l’ambiance décontractée, « live-in-studio », que l’on peut entendre lorsque les artistes bavardent à la fin d’une chanson, ou laissent les morceaux se dissiper doucement au lieu de terminer brusquement un numéro à la manière habituelle des enregistrements en studio.
La palette sonore est langoureuse et dégoulinante. Les guitares sont autorisées à sonner et à se réverbérer, explorant les dimensions physiques du studio d’Auerbach où l’album est né pendant deux jours en décembre 2019. Ils optent pour des sons très directs et transparents de tous leurs instruments au lieu de s’appuyer sur des tonalités floues qui obscurcissent parfois le crunch naturel des amplificateurs surdimensionnés.
« Crawling Kingsnake » donne le ton du son de l’album. Le jeu de batterie de Carney guide le tempo et l’attitude des autres musiciens. Les breaks instrumentaux se concentrent davantage sur la qualité des notes jouées que sur la quantité, et les auditeurs pourront entendre que le groupe prend vraiment plaisir à jouer ensemble. « Poor Boy a Long Way from Home » comporte un excellent solo de guitare qui pique et constitue l’un des meilleurs morceaux de la collection. « Going Down Sout » » et « Mellow Peaches » se distinguent également par les contributions de Ray Jacildo à l’orgue, qui ajoutent à l’atmosphère sinistre des marais. « Cool Black Mattie » plaira aux auditeurs qui préfèrent le style plus familier des Black Keys, mais il reste lui aussi fidèle au Hill Country Sound que le groupe revigore.
Si les auditeurs cherchent à trouver des défauts à l’ensemble, ils pourraient se plaindre que la variation entre les chansons n’est pas grande. Écouté inattentivement, les points forts de Delta Kream peuvent facilement passer inaperçus. L’album se concentre sur les nuances et les sons exceptionnels. Un bon système de sonorisation ou une paire d’écouteurs décente permettra de faire ressortir ces aspects de la musique. Delta Kream est polyvalent dans la mesure où il constitue un excellent point d’entrée pour Hill Country Blues ou The Black Keys. Le duo a le mérite de reconnaître une partie de son inspiration musicale, non seulement par des mots et des éloges, mais aussi en rendant au genre sa propre originalité.
***1/2