Leon Vynehall, un des producteurs britanniques les plus en vue, sait depuis longtemps canaliser ses souvenirs dans la musique. Son premier album Nothing Is Still racontait l’histoire de ses grands-parents émigrés à New York dans les années 1960, tandis que Music for the Uninvited s’inspirait des mixtapes que sa mère lui faisait écouter sur le chemin de l’école. Mais lorsqu’il a atteint son 30e anniversaire, Vynehall s’est trouvé être la muse ultime.
Rare, Forever est, à cet égard, une mise à nu. Comme l’ouroboros représenté sur sa couverture, l’album est un acte de réinvention et de renaissance. Vynehall entre dans une nouvelle ère musicale, plus abstraite, moins linéaire, plus tournée vers l’avenir, moins vers le rétroviseur. En essayant de se découvrir plus complètement en tant qu’artiste, Vynehall laisse tomber le noyau cohésif et la progression linéaire qui ont largement sous-tendu la majorité de sa discographie, bien que ce ne soit pas entièrement une mauvaise chose. Rare, Forever ressemble moins à un album qu’à une série de pensées ponctuées, ou à la longue méditation d’un homme. C’est un peu nerveux, et ça pulse avec une énergie frénétique. Il oscille entre les bangers du dancefloor (« Dumbo ») et les transitions langoureuses (« Allchea Vella Amor »).
Toujours aussi intellectuel, il commence l’album par « Ecce ! Ego ! » (« Behold ! Me ! » en latin), une ouverture audacieuse qui met à nu son protagoniste. S’appuyant sur son penchant pour les éléments classiques, il change rapidement de rythme pour se lancer dans un déluge de synthétiseurs et de basses. L’album est hanté par la présence d’un personnage mystérieux nommé Velvet, dont l’existence est volontairement ambiguë et entourée de mystère. Velvet apparaît sur quelques morceaux, comme « In>Pin » et « All I See Is You, Velvet Brown », mais Vynehall se garde bien de fournir trop de détails. Velvet apporte une couche philosophique supplémentaire à Rare, Forever, ainsi qu’un contrepoids bienvenu à sa propre personnalité.
Le producteur britannique est un maître de la texture, et son deuxième album ne déçoit pas. Il passe de la house au jazz, à l’ambient, au drone et à la techno, tout en se délectant du genre de construction de monde que seul Vynehall peut apporter à la table – bien qu’il puisse être considéré comme un projet de démolition dans ce cas. Rare, Forever donne à Vynehall l’espace nécessaire pour expérimenter et explorer la musique au-delà de ses racines de DJ. Son plongeon dans l’abstrait et le conceptuel est un choix audacieux, qui s’avère payant. « An Exhale » est un pur optimisme sonore qui ne peut que faire des adeptes, tandis que « Mothra » décrit l’euphorie de trouver un but. Le résultat, dans l’ensemble, est une entreprise extrêmement créative qui s’exclame haut et fort : « Behold ! Moi ! »
Il est banal de prendre le titre d’un album comme une traduction littérale, mais comment décrire autrement la présence durable de Vynehall dans l’industrie – il est une rareté, et sa musique a certainement la possibilité de durer pour toujours.
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