Parfois, on a pour règle découter quelques tites d’un album au hasard avant de s’engager dans l’écoute exhaustive dudit album ; ici, sur la base du récent « single » de Rosie Tucker, « Habanero »,on a enfreint cette ègle d’or pour découvrir ce nouvel album de Rosie Tucker, Sucker Supreme, et,la gratification a été immédiate.
L’album s’ouvre sur « Barbara Ann », une chanson pleine de riffs entraînants et imprégnée des vibrations du slacker de la côte ouest, où l’esthétique grunge-pop brille par l’accent mis sur les mélodies et la puissance, dans cet ordre. « Habanero », déjà mentionné, suit et il nous rappelle gracieusement pourquoi on a pu flasher sur cet album ; vibrations douces mais douloureusement heureuses qui font sourire, le genre de sourire qui vous fait mal à la mâchoire et vous pique la salive. « Different Animals » est une autre de ces bestoles soniques, ressemblant plus à du Regina Spektor avec sa mélodie vocale sinueuse et ses instruments épars, avant que « Trim » ne fasse remonter l’énergie avec un riff acoustique lo-fi qui s’échappe d’une fenêtre voisine par un dimanche après-midi ensoleillé.
Cette ambiance grunge-pop est de retour sur un « For Sale : Ford Pinto » qui dresse des portraits à la Dandy Warhol, tandis que la voix de Tucker passe de la douceur et de la discrétion à la frustration et à la force en un tour de main. Il y a des mélodies à la Beatles dans « Ambrosia » qui donenront à la chanson un sentiment de nostalgie pour les matins pluvieux, tandis que « Arrow » arriveva à toute vitesse comme un flot de conscience sur une guitare acoustique habilement pincée avant de se transformer en un tourbillon de crescendo statique. « Creature of Slime » » est un bref interlude brumeux qui mène à « Brand New Beast », une tranche théâtrale et criminellement courte de pop-rock qui ressemble à une collaboration entre Courtney Love et Lady Gaga.
Les guitares inspirées de Zappa sur « Airport » vous feront lutter pour suivre le rythme avant qu’il ne s’installe dans une chanson narrative à la Ben Folds, mais l’humeur de la ligne de basse sur « Dog » change encore une fois l’énergie vers quelque chose de plus introspectif et de plus profond. Il y aura, en outre, un autre court interlude sur « Clinic Poem », un enregistrement lo-fi saupoudré d’un peu de magie, qui nous amène à l’avant-dernier morceau » Peach Pit » rappelant une Lana Del Rey se décidant à expérimenter avec une guitare et un groupe s’empoyant à combler les lacunes qui en surgissent. L’album se termine par « How Was It ? », titre qui ressemble à de la muzak d‘ascenseur pour monter au paradis : désorientant mais véritablement intéressé par la façon dont votre vie s’est déroulée. Rosie Tucker fait partie de ces artistes passionnants que l’on ne peut classer dans un seul genre, ce qui fait de cet album une véritable expérience à chérir. Je vous conseille de prendre le temps de le mettre en boucle, de vous installer avec une tasse de thé et de laisser les sons, les idées et les thèmes vous envahir. C’est une musique nourrissante pour la tête, le cœur et l’âme.
***1/2