Le duo art-pop montréalais Freelove Fenner crée une musique qui brille par sa chaleur analogique qui fourmille de détails. Bien que chacune des quatorze compositions de The Punishment Zone ne dure que quelques minutes, Caitlin Loney et Peter Woodford les remplissent de douces mélodies. L’album évoquera ainsi une maison aux multiples pièces, une collection encombrée mais confortable d’espaces domestiques peuplés de souvenirs à la fois affectueux et inquiétants. Ce sentiment est magnifiquement rendu par la pochette de l’album, où des plantes et autres objets naturels sont rassemblés et présentés sur de minuscules socles.
La comparaison avec le très apprécié et regretté Broadcast ne peur que nous amenerquand on écoute la musiqu de nos duettistes.. Bien qu’il s’agisse d’une comparaison pertinente, dans le cas de Freelove Fenner, nous parlons d’une époque très spécifique de Broadcast : les airs succincts et livresques de leur opus Work and Non-Work. Freelove Fenner possède une intimité similaire, une sensibilité mélodique et une tendance aux textures instrumentales jolies mais légèrement hantées. Bien que le timbre de voix de Caitlin Loney ne soit pas différent de celui de la défunte Trish Keenan, Keenan avait toujours l’air en quête, solitaire, hanté ; Loney semble habiter cette musique avec aisance, tandis que les moments de sourcillement dans les paroles suggèrent que quelque chose ne va pas.
La signification du titre, The Punishment Zone, n’est pas claire, bien que l’expression apparaisse dans le chatoyant et riche en Mellotron « LED Museum » : « Envoyez-moi des diodes électroluminescentes pour la zone de punition » (Send me electroluminescent diodes for the punishment zone). Dès le début, sur « Find the Man », les paroles esquissent des scènes de potentiel déçu : « Il est mort sur la vigne / Juste quand tu as enfin trouvé la carte » (It died on the vine / Right when you finally found the map). « 2 B From » fera allusion à la pénibilité de la vie domestique : « Le nettoyage est sans fin / Des marques sur les bancs » (Cleaning is endless / Marks on the benches), tandis que la somptueuse « Carol » dénonce la duplicité des relations intimes : « Carol n’est pas ce que vous pensiez quand vous avez signé avec elle » (Carol is not what you thought when you signed on). Dee la même manière, « August Parties » a beau avoir une atmosphère douce et ensoleillée, les paroles suggèrent des courants sous-jacents malveillants : « Maintenant, quelqu’un a trafiqué mon vin » (Now someone has tampered with my wine).
La suggestion de problèmes non résolus se retrouve également dans la manière dont certaines chansons ne se terminent pas, mais s’éloignent de manière inquiétante. « Baxter’s Column » s’éteint dans un tourbillon de cymbales en arrière, tandis que « Tied Up » est accompagné de carillons inquiétants. Comme la plupart des chansons sont caractérisées par des guitares arpégées lumineuses, une batterie au galop doux et des orgues bourdonnants, tout changement dans la palette sonore est remarquable, qu’il s’agisse des voix harmonisées et de la guitare fuzztone sur « Perfect Master », ou de la pile d’instruments articulant adroitement les mélodies stridentes de l’ouverture sans rythme « Find The Man ».
Dans une récente interview podcast avec Matt Dwyer, Caitlin Loney a comparé la façon dont Freelove Fenner écrit ses chansons, en se concentrant clairement sur la mélodie, à la formulation minutieuse de phrases. Il y a un sens certain de quelque chose de spécifique patiemment articulé, comme un objet d’art sélectionné et disposé avec amour pour y réfléchir. Loney et Woodford donnent des indications sur leur signification sans vous prendre par la main. En conséquence, The Punishment Zone est, certes, un endroit magnifique et envoûtant, il demeure légèrement troublant comme lieu où on choisirait d’habiter.
***1/2