Il est indéniable que le fait d’entendre pour la première fois ce colosse du prog Selling England By the Pound de Genesis a bouleversé la perception de la musique de beaucoup d’enre nous à l’époque où les métalleux avec une attitude tenaient le haut du pavé. À en juger par l’aspect sonore de l’album, le maestro suédois du prog, Nad Sylvan, partage très probablement cet amour immodéré pour ce chef-d’œuvre du rock progressif sorti en 1973. Ses précédents efforts, la « trilogie vampire » composée des albums Courting the Widow (2015), The Bride Said No (2017) et The Regal Bastard (2019), l’ont déjà démontré au-delà de tout doute raisonnable. Son nouvel opus studio, Spiritus Mundi, va apporter une nouvelle preuve détayant ce concept. Sylvan canalise le son du prog britannique du début des années 1970 de façon si authentique qu’il est tout simplement impossible d’imaginer quelqu’un de plus apte à remplacer Peter Gabriel dans le Genesis Revisited dirigé par Steve Hackett. En d’autres termes, la nouvelle offre de Nad Sylvan offre un prog-rock éclectique à son meilleur : peut-être pas tant pour les fans de pyrotechnie flashy que pour les connaisseurs du bon vieux prog symphonique avec une touche de modernité. Si on considère a loi universelle de Isaac Newton stipule qui tipule que, pour toute action, il existe une réaction égale et opposée, le prog accentue ce concept dans lequel il se voit investi de la fonction de pousser des hommes, a priori raisonnables, au à l’emphase et à l’excès. Tout amateur incurable de prog trouvera donc bon pour l’âme d’écouter un équilibre cosmique être rétabli, de temps à autre, par un geste doux et délibéré tel que peut l’être ce Spiritus Mundi.
L’album rayonne d’une atmosphère chaleureuse et accueillante. Il y a beaucoup de guitares acoustiques, mais cela ne donne pas l’impression d’être un hippie-folk baroque, loin de là, en fait. À l’occasion, l’album semble émettre émettre une aura façon Steven Wilson ou Peter Gabriel, notamment sur le morceau « The Hawk ». On peut sans doute supposer que la signature sonore de Sylvan fonctionnerait comme par magie sur la bande-son d’un drame britannique contemporain. Salman Rushie a écrit dans son roman de 1999, The Ground Beneath Her Feet, « Nos vies ne sont pas ce que nous méritons. Elles sont, convenons-en, déficientes à bien des égards douloureux. La chanson transforme la vie en quelque chose d’autre. Elle nous montre un monde qui est digne de notre aspiration » (Our lives aren’t what we deserve. They are, let us agree, in many painful ways deficient. Song turns life into something else. It shows us a world that’s worthy of our yearning).
Cette nouvelle sortie de Nad Sylvan évoque en vérité des sentiments d’un tel effet. Peut-être est-ce dû au fait que l’album s’articule, sur le plan lyrique, autour des poèmes du poète irlandais William Butler Yeats, lauréat du prix Nobel, qui était un maître du double sens. Ces textes à multiples facettes, juxtaposés aux arrangements musicaux épars, laissent beaucoup de place à l’interprétation subjective de l’auditeur, ce qui signifie qu’il faudra peut-être mettre le disque en boucle pour bien comprendre.
Si l’album marque un changement subtil par rapport aux précédents albums de Sylvan, en se concentrant davantage sur les paroles et la voix en tandem avec l’orchestration luxuriante, il s’enorgueillit d’un casting de musiciens invités assez remarquable. Tony Levin joue de la basse sur quatre morceaux et Jonas Reingold de The Flower Kings sur un. Ce groupe de prog suédois de Rainer Stolt a également prêté le batteur Mirkko DeMaio, mis à la disposition de Sylvan pour la réalisation de Spiritus Mundi. Steve Hackett fait une apparition, jouant de la guitare à 12 cordes sur le morceau bonus, « To a Child Dancing in the Wind ». De toute évidence, l’interprétation est de premier ordre tout au long de l’album, sans parler du mixage et de la production. Si une partie du mixage et du mastering a été réalisée au cours de l’année 2020, l’écriture et l’enregistrement de l’album ont déjà commencé fin 2019, bien avant le verrouillage mondial. Le fait d’être hors de la route a apparemment permis de disposer de plus de temps pour affiner chaque nuance de la musique, de sorte qu’il est facile d’être d’accord avec tous ceux qui pensent qu’il s’agit de loin de la meilleure offre de Nad Sylvan à ce jour. Il y a quelque chose dans l’écriture d’une chanson qui peut évoquer des visions de cet autre monde étrangement attirant. C’est une compétence qui ne s’apprend pas. Sylvan possède définitivement ce talent particulier. Spiritus Mundi est l’un de ces rares albums qui nous chuchotent des secrets à l’oreille, d’une manière rêveuse, éclairant notre voyage sur la route de briques jaunes comme la lampe d’un gaz qui résisterait à la plus haute chaleur.
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