Peu d’endroits peuvent rendre l’apparente accalmie de l’hiver aussi sombre et profonde que les landes sibériennes sans limites. C’est de là que vient Egor Klochikhin, depuis quelque temps déjà le créateur sous le pseudo Foresteppe d’un délicat paysage électro-acoustique issu de l’inéliminable matrice analogique ; l’artiste russe y revient après la parenthèse de déconstruction bruyante de son précédent opus, Karaul (2019), présentant dans le nouvel « Odeyalo » une galerie de douze fragments sonores impressionnistes, répartis en deux longs morceaux qui remplissent chacune des faces de son édition vinyle couleur cuivre.
Les appareils d’enregistrement eux-mêmes deviennent des instruments dans l’exécution d’Odeyalo, une œuvre déjà jouée en direct l’été dernier grâce à une douzaine de magnétophones à cassettes, qui reproduisent les tracés élancés qui combinent des boucles, des enregistrements sur le terrain et une grande variété de signaux acoustiques et électroniques minuscules. Ce n’est pas un hasard si le terme qui donne son titre à l’œuvre signifie « feuille », indiquant à la fois l’unité physique de l’objet résultant d’une pluralité de textures élancées, et sa légèreté délicate, qui suscite un sentiment de protection et de douce indolence.
En revanche, les éléments dynamiques ne manquent pas tout au long des quelque trente-cinq minutes de l’œuvre, qui est notamment parsemée dans la première partie de vibrations acoustiques chatoyantes, progressivement traversées par des ondulations et des saturations parfois légèrement bruyantes. Plus enclins à la définition d’un espace sonore délicatement enchanté sont les quatre fragments de la deuxième partie, dans laquelle la veine contemplative et bucolique de Klochikhin refait surface, à laquelle les résonances, les sifflements et les imperfections des bandes ajoutent une aura sépia et intemporelle, donnant à Odeyalo les contours d’une fragile couverture sonore hivernale.
***1/2