Artlessly Falling est le dernier album du groupe Code Girl de la guitariste et compositrice Mary Halvorson. Halvorson a reçu une grande reconnaissance pour son style de guitare unique et ses capacités d’improvisation imprévisibles, mais c’est son écriture qui brille vraiment sur cet album. Pour les huit compositions de Artlessly Falling, Halvorson a d’abord écrit les paroles, chaque texte étant écrit dans une forme poétique préexistante, puis les a mises en musique. Les chansons d’Halvorson équilibrent des paroles poétiques riches en images et en mélodies élaborées avec un accompagnement stimulant mais encourageant. L’album présentet, ainsi, est un ensemble de chansons évocatrices qui vous feront vraiment grandir à chaque écoute.
Pour cette édition de Code Girl, Mary Halvorson est rejointe par des collaborateurs de longue date Amirtha Kidambi au chant, Michael Formanek à la basse et Tomas Fujiwara à la batterie, ainsi que par de nouveaux collaborateurs Adam O’Farrill à la trompette et María Grand au saxophone ténor et au chant. Ils sont rejoints par le chanteur invité Robert Wyatt, qui apparaît sur trois chansons que Mary Halvorson a écrites spécialement pour lui. C’est vraiment génial d’entendre la voix de Wyatt sur quelque chose de nouveau ! Halvorson considère que Wyatt a eu une influence majeure sur elle et sur cet enregistrement en particulier. L’influence est claire sur les morceaux sur lesquels Wyatt chante mais elle se fait sentir tout au long de l’album. La production de Artlessly Falling possède un son chaud, très régulier et quelque peu sec qui rappelle les albums enregistrés au Grog Kill Studio de Carla Bley par Bley, Michael Mantler, et John Greaves / Peter Blegvad qui mettaient en scène Robert Wyatt. C’est un excellent son et Code Girl le prolongentvéritablement grâce à leur incroyable imagination et leur musicalité.
Le morceau d’ouverture « The Lemon Trees » commence par un clin d’œil à la « Sea Song » de Wyatt. Cependant, cela devient rapidement une pièce très originale. Alors que Wyatt chante les paroles, chaque couplet alterne avec un commentaire approfondi à la trompette. Cela devient un solo de trompette accompagné par la section rythmique qui se développe lentement en un duo de trompette et de batterie qui se transforme en un solo de batterie et puis soudain l’ensemble revient tout de suite aux paroles. La fin du tag présente un solo de basse magnifiquement accompagné par les deux seules voix féminines.
L’album se poursuit avec « Last-Minute Smears » qui est très probablement la seule chanson à utiliser le témoignage au Congrès d’un candidat à la Cour suprême des États-Unis comme texte trouvé. Il s’ouvre sur une intro improvisée très « downtown » qui se développe lentement en une ballade saisissante magnifiquement chantée par Amirtha Kidambi. L’ensemble est très coloré et le ténor María Grand y joue un solo plein d’âme.
Sur « Walls and Roses », Wyatt et Kidambi se renvoient les mêmes vers introspectifs. Halvorson encadre les vers d’une section contrastée qui lui permet de faire un clin d’œil à Jimi Hendrix alors qu’elle s’éloigne du détroit de Sonny Sharrock et d’Eugene Chadbourne, de l’époque du Shockabilly, pour revenir avec un contrepoint mélodique sinueux entre elle et Kidambi. J’espère que ces brèves descriptions des trois premiers morceaux vous donneront le sentiment que sur Artlessly Falling, chaque morceau est rempli de surprises.
En tant que groupe, le jeu de Code Girl est solide et aventureux. Ils passent très facilement de l’écrit à l’improvisation. Cela permet à Code Girl de continuellement changer et transformer leur son. C’est cette combinaison de l’écriture de Halvorson et de l’interaction du groupe avec sa musique et avec les autres qui fait de ce ouvel opus une écoute si intéressante. Hautement recommandé !
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