Il peut être tentant de comparer les Silverbacks à leurs contemporains irlandais Fontaines D.C et The Murder Capital, après tout on peut tracer des lignes entre le marasme et les atmosphères parfois menaçantes créées par ces groupes. Mais le premier album des Silverbacks, Fad, est un hommage à un échantillon plus large de genres.
Les Dublinois était à l’origine un projet entre les frères Daniel et Killian O’Kelly, qui ont téléchargé des démos inspirées de Strokes sur Soundcloud. Plus tard, les projets de formation d’un groupe ont été abandonnés par un membre du groupe qui a déménagé, ce qui a allongé le processus de constitution d’un contingent complet. Aujourd’hui dans la trentaine, Fad aura mis beaucoup de temps à voir le jour.
L’album est un voyage à travers leurs influences post punk, new wave et art/indie rock. Le premier riff de l’album sur « Dunkirk » semble trembler de trépidation, mais il est bientôt fléchi et interpolé avec d’autres riffs pour produire un chaos organisé qui n’est pas très différent de celui de Parquet Courts.
Les Silverbacks sont un groupe qui sait manifestement s’amuser avec une guitare. Sur « Just in the Band », on a l’impression d’être dans un filet tentaculaire, les riffs s’étendent, s’élancent en angle aigu comme si on regardait un plan du métro londonien en mouvement. Ils puisent directement dans leurs influences, « Fad ’95 » est ouvertement influencé par Pavement au point qu’il réclame à grands cris ne serait-ce qu’un soupçon de nuance.
Une constante dans les paroles est le thème des générations et de la responsabilité générationnelle, que l’on peut explorer au mieux dans « Drink It Down ». Le tempo et la voix sont comme une montée de sang, car ils évoquent les tendances destructrices de l’histoire, le fait est que chaque génération a été coupable de haine inutile et d’effusion de sang, « une haine pour quelque chose de différent qui brûle jusqu’à la moelle » (a hatred for something different that burns to the core).
Dans une récente interview avec NME, Daniel a parlé du stéréotype de l’irlandais heureux et chanceux mais a souligné que les immigrants irlandais ont contribué au racisme inhérent à l’Amérique. Il y a une portée plus large à cela sur « Drink It Down », disant que les ancêtres ont amplifié cette haine immense et que des générations plus tard, on lutte toujours contre des idéaux racistes et haineux.
Les paroles de « Drink It Down » sont choisies par la bande, qui ne se réjouit pas de ses observations, mais se tourne vers l’humour pour juxtaposer le contexte d’une chanson, « ce n’était pas Jésus qui n’était qu’un connard en robe de chambre » (that wasn’t Jesus that was just some fucker in a dressing gown). « Klub Silberrucken » » est l’un des morceaux dans lesquels la bassiste Emma Hanlon prend la tête du chant, l’instrumentation est fréquente dans des accès de fureur à l’accroche, comme ceux que des groupes comme Working Men’s Club ont produit récemment.
Fad est un album amusant, voire jouissif, avec des riffs de guitare et des crochets à foison, mais il s’embourbera parfois en jouant trop près de ses influences. Il y a aussi l’ajout de trois morceaux instrumentaux, dont deux à l’intérieur d’un même morceau qui ne contribuent pas à l’expérience d’écoute, en fait qui semblent être une divergence inutile. On y trouve un pic lyrique parfois trop clair qui peut affecter l’engagement avec le reste de l’album mais il fournit un regard intéressant à travers le trou de serrure des différents genres de rock.
***1/2