Certains artistes gardent le même élan conceptuel tout au long de leur carrière et TheThe Pursuit of an Orchid tout comme Kelvingrove Baby ont été traces de leur obsession lyrique dès leurs débuts et ils ont toujours nourri la nostalgie luxuriante des différents styles musicaux utilisés pour donner vie à ces ruminations amoureuses. C’est comme si le compositeur en chef Chris Thomson avait son propre langage, riche en symboles ; certains mots et phrases reviennent sans cesse (pandémonium, parfum, folie, orchidées, parfum) et ils sont liés à une géographie solide, avec près de la moitié des titres de chansons sur un album donné faisant référence à des lieux réels dont on se souviendrait.
Le fait que ces chansons puissent être basées sur des souvenirs à moitié oubliés est une autre part importante de l’attrait de The Bathers – tout ressemble à une rêverie nostalgique, ces passions et obsessions sont viscérales…mais le moment décisif est-il déjà passé ? Chaque album fait rêver l’auditeur, et il en va de même pour leur cinquième et avant-dernière sortie, Kelvingrove Baby, même si l’album s’oriente vers une approche musicale autrement plus vive.
Sur le plan des textes, Thomson est toujours incapable de rompre le charme que lui a jeté cette mystérieuse créature ; même lorsqu’il l’appelle sa « petite amie » » il doit admettre qu’elle ne sera à ses côtés que « pour un temps ». Cette entrée en matière précoce dans le décor est importante car, à première vue, tout semble aller bien, la chanson étant une ode sincère aux merveilles de cette personne qui est la vôtre – mais il est crucial de prendre conscience qu’il s’agit d’un moment éphémère, d’une victoire précaire, et que vous êtes certain de finir avec une vie de regrets. Une telle situation appelle bien sûr d’abord à la bravoure (« Risk or Glory »), puis à saisir l’instant présent (le titre exceptionnel de 7 minutes et demie). Cependant, à mesure que l’album progresse, on a de plus en plus l’impression que cet objet de désir nous échappe, qu’il s’éloigne dans les brumes sombres de la mémoire, les trois dernières chansons capturant l’album dans sa plus grande mélancolie et tendresse.
Comme pour tous les albums de Bathers, il est difficile de déterminer si la « muse » de Thomson (et il utilise souvent cette expression) fait toujours partie du monde actuel, si elle habite toujours dans les rues de Glasgow, ou si elle l’a jamais fait ? Était-elle un rêve depuis le début ? Tous les hommes sont-ils condamnés à être rendus fous par la poursuite de créatures qui ne pourront jamais être apprivoisées, qu’ils ne voudraient pas apprivoiser même s’ils en avaient la chance, de peur de ternir la perfection de leur beauté et de leur esprit… et de finir par être hantés par les souvenirs de rencontres trop brèves ? Des effluves de parfums exotiques ?
Alors oui, tout bien considéré, on pourrait qualifier The Bathers de romantiques.
***1/2