Beaucoup de choses ont changé depuis qu’Edwin Stevens, alias Irma Vep, a sorti son premier album, HAHA, en 2012, un LP lo-fi sensible rempli de morceaux qui ont à peine dépassé la barre des trois minutes et demie. Pour son quatrième album proprement dit, Embarrassed Landscape, Stevens utilise la tension et la détente comme jouet sur un album qui oscille entre angoisse obscure et sensibilité déchirante. Le musicien d’origine galloise résidant à Glasgow a repris la gamme variée d’idées de ses précédents travaux et a élevé la barre du genre psycho-rock lo-fi sur un LP plein de contradictions parfaites et d’incertitude infinie.
Embarrassed Landscape évolue de façon binauriculaire entre un malaise de grande énergie et des répits doux dont les paroles sont tout sauf cela. L’ouverture, « King Kong », est un examen tonitruant de dix minutes sur l’anxiété sociale qui commence lui-même sur un instrumental de cinq minutes qui s’écrase. Ce morceau ne laisse cependant aucun doute sur la direction que prendra le reste de l’album. Ce sera une écoute rauque mais raffinée, transcendantale mais fugace, qui vous fera passer d’un extrême à l’autre en quelques minutes.
Suivi de la première des propositions plus gracieuse de l’album, « Disaster », nous sommes réintroduits dans l’exceptionnelle capacité d’écriture de Stevens. Un exercice brutal d’auto-examen où les lignes de guitare complexes de Stevens transparaissent pour la première fois sur le mixage. Ce changement de rythme soudain attire l’auditeur alors que nous nous concentrons en vain sur ce qui n’est pas dit.
Le reste de l’album se distingue par une alternance brutale, la musique de Stevens trouvant sa place quelque part entre le garage et le folk-rock. « I Do What I Want » est un hymne rebelle qui prend vie grâce à des riffs de guitare criards et à une batterie endiablée. Le premier single de cet album est un classique du genre, avec un riff de guitare prêt pour les festivals et un Stevens tempétueux qui hurle le titre vers la fin. Ce morceau est également rempli de enchaînements complexes, de rythmes imprévisibles et de ruptures majestueuses pour créer quelque chose de bien plus complexe qu’un simple hymne pour les foules enivrées du festival.
« Tears Are the Sweetest Sauce » et « Purring » sont les deux titres qui brisent le cœur de cet album et qui me font penser à des versions à la sauce country de Leonard Cohen. Les voix de Stevens sont les leaders de ces morceaux plutôt qu’une autre couche de son, mettant en avant des paroles pleines d’esprit élégant. « Les choses que vous avez vues ne peuvent pas être nettoyées, mais vous pouvez les laisser tremper pendant que vous réfléchissez» ( The things that you’ve seen can’t be wiped clean but you can leave them to soak while you think) chante-t-il sur « Tears Are the Sweetest Sauce », ponctuant les problèmes de la vie avec une résolution tempérée mais néanmoins réconfortante. En superposant ces lignes sur des accords qui changent selon des schémas imprévisibles et complexes, on obtient des chansons aussi tendues que magnifiques.
Cet album frénétique et à l’envers est mené à une conclusion gracieuse dans « Canary ». Rassemblant les thèmes de l’abus d’alcool, de la dépression et des visions inquiétantes, Stevens est sauvé par l’amour de son entourage. Sur une chanson qui est un bel hybride de folk et de psycho-rock, c’est le véhicule parfait pour conclure un album plein de tension et de splendeur.
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