L’évolution et l’épiphanie sont au premier plan dans l’esprit de Nigel Chapmanle leader de Snapshot of a Beginner. La croissance est indéterminée et les visions sont éphémères. « Je suis tellement fatigué, d’essayer de recréer… Bien que je me sente inspiré, je découvre un moment plus tard que j’ai été trop tard » (I’m so tired, of trying to recreate…Though I feel inspired, then a moment later find I’ve been too late), confie-t-il sur le titre d’ouverture « So Tied ». L’album est cependant un pas en avant sans équivoque pour Nap Eyes.
Le quatuor de Halifax, en Nouvelle-Écosse, a réalisé des adaptations mineures pour chacun de ses trois albums précédents, mais Snapshot of a Beginner tient pleinement le pari du son pastoral de The Maritime qu’il promet depuis des années, et tout le mérite en revient à Nap Eyes. Le guitariste/chanteur Chapman, le guitariste Brad Loughead, le batteur Seamus Dalton et le bassiste Josh Salter se sont tous étirés en tant que musiciens et auteurs de chansons ; les accents de Velvet Underground et de Dylan qui ont coloré les albums précédents Whine of the Mystic et Thought Rock Fish Scale se sont estompés en arrière-plan. Les valeurs de production et les conseils donnés à ces onze chansons sont également cruciaux. Elles ont été enregistrées au Long Pond Studio de The National avec les producteurs James Elkington et Jonathan Low.
En un mot, Nap Eyes sonnent de manière intense sur Snapshot of a Beginner, mais ils le font d’une façon qui ne va pas à l’encontre de ce son vif, fin à moitié sauvage qu’ils ont établi jusqu’à présent. Ici, ils sont en plein écran et en trois dimensions ; en bleu profond sur « Mystery Calling », en extase et en ambre sur « Primordial Soup ». Pourtant, ils restent tendus, instables et souvent au bord de l’explosion ou du repli sur soi.
« Je me tenais au bord de la mer/Et je me demandais pourquoi tout cela était fait autour de moi/Et je me demandais pourquoi je devrais être/Si libre et heureux/Si triste et enchaîné » (I stood on the edge of the sea/And I wondered why all this was made around me/And I wondered why I should be/So free and happy/So sad and chained), réfléchit Chapman sur « Primordial Soup ». Des éclairs de romantisme sont éparpillés sur la photo d’un débutant, mais la nature existe-t-elle pour offrir ces réalisations à l’humanité, ou creusons-nous pour elles dans un sol indifférent ? « Nous avons marché sur la ronce/Vous avez montré la course de l’écureuil/Et vous m’avez écouté pendant que je radotais » (We walked across the bramble/You pointed to the squirrel run/And listened to me though I ramble), se souvient Chapman dans « Fool Thinking Ways ». « Et c’est alors que m’est arrivé/Que le changement de mes pensées m’a libéré/ Seulement pour un moment/ Et puis je suis retombé dans mes folles pensées… » ( And that’s when it happened to me/That the change in my thinking set me free/Only for a moment/And then I fell back to my fool thinking ways…) On reconnaît que le progrès ne tient pas toujours, que les révélations peuvent s’envoler comme de petites créatures de la forêt.
Les idées lourdes dans les mains de Nap Eyes sont jonglées avec légèreté, le « single » « Mark Zuckerberg » étant le plus ouvertement léger. En se promenant la nuit dans un parc d’Halifax en pensant au fondateur de Facebook comme à un fantôme qui ramasse du sable, Chapman croise trois sirènes des temps modernes – un trio d’adolescents fumant de l’herbe dans une pomme, en chantant « Transcendence is all around us ». Le moment est absurde, mais dans cette absurdité il y a quelque chose d’honnête et de sublime à petite échelle, et c’est le point fort de Nap Eyes sur Snapshot of a Beginner.
***1/2
No BS: Just Rock & Roll! 