Avec peut-être la prise de son minimaliste la plus impactante et la plus déchirante depuis la sortie de Imperial Distortion de Kevin Drumm il y a plus d’une décennie, sort finalement le premier véritable nouvel album de Skin Crime depuis de nombreuses années. Il s’agit d’un opus d’inspiration fantomatique à la japonaise, à savoir doucement poignant, d’ambiance sombre et de jeu d’ombre industriel, qui inverse les conventions du son et explore l’idée de patience tendue à comsumation lente plutôt que l’intensité agressive.
Décrit comme le chaînon manquant entre Kevin Drumm, Painjerk et Mika Vainio , Skin Crime a pris une pause de 12 ans jusqu’en 2016 et l’effusion de sang qu’a été son coffret de 20 CD d’archives instantanément épuisé. La même année, ils sortaient également Ghosts I Have Been, un album terriblement sombre inspiré de la mythologie japonaise et des histoires de fantômes qui ont ouvert la voie à ce nouvel album, où Patrick O’Neil et Mark Jameson, membres du groupe, continuent à affiner leurs instincts dans la plus sombre des musiques ambient organiques.
En accord avec leur muse fantomatique japonaise, en particulier les films Bakaneko ou Ghost Cat des années 50 et 60, ainsi que l’écriture de Lafcadio Hearn alias Koizumi Yakumo, la musique des Skin Crime est centrée sur la présence et la suggestion des états hypnagogiques et le semi-éveil. Leur tour de passe-passe poosède des doigts froids et elle est appliquée à des couches extrêmement fines d’énigmes texturales en longs tracts ininterrompus qui retiennent le regard de l’auditeur avec une puissance effrayante.
« Avoid Large Places At Night » s’installe avec une puissance intraveineuse, attirant très subtilement le regard vers le lointain avec son ambiance mécanique en forme d’utérus, et introduisant furtivement des grondements subharmoniques et des bruissements périphhériques suggérant des spectres invisibles qui se cachent dans un bosquet de fantômes. L’absence de mouvement soudain ne fait qu’augmenter le niveau de menace qu’on éprouvera au bord de son siège. De même, avec ses sous-titres et ses textures profondément soporifiques, le « Black Cat From The Grove » de la face B continuera d’engourdir les sens dans un style bruyant, mais éviscéré de toute agression ouverte, préférant un mode de suggestion dense qui ne fait que souligner la nature étrange de leur musique.
C’estle combo dévoile ici sa véritable maîtrise à dire les choses sans les dire, et à côté de ces références à Kevin Drumm, Painjerk et Mika Vainio, l’album se situe également aux côtés de Rainforest Spiritual Enslavement et Meitei; par conséquent, à ne pas manquer pour tous les fans des artistes précités.
***1/2