Geoff Barrow est le grand manitou de Portishead; groupe qu’il a fondé lorsqu’il a rencontré la chanteuse Beth Gibbons en 1991. Mais la carrière de ce grand musicien ne se résume pas qu’aux épisodiques productions de la formation britannique. Barrow est également à la tête du super-groupe à saveur hip-hop nommé Quakers, en plus d’être le meneur incontesté du trio krautrock/psychédélique Beak>.
Beak> revient ici à la charge avec un troisième album intitulé comme il se doit : >>>. Barrow a donc rameuté périodiquement ses deux complices – le bassiste Billy Fuller et le nouveau venu Will Young – afin d’enregistrer de nouveaux morceaux dans son studio maison. La précédente création, >> (2012), s’était hissée parmi mes disques préférés de ce millésime.
Pour chacune des productions, Beak> adopte toujours le même credo créatif : toutes les chansons doivent être enregistrées dans une pièce ouverte, où tous les musiciens sont présents, et ce, en une seule prise, sans aucun « overdubs ». Et rien n’a changé pour l’enregistrement de ce nouvel album. C’est tant mieux, car c’est cette méthode de travail qui différencie le groupe de ses semblables.
Malgré la récursivité de la démarche artistique, Barrow et ses acolytes font un bond en avant significatif avec ce >>>. Si sur les premières parutions du groupe, l’auditeur avait l’impression d’entendre le groupe interepréter ses titres dans un bocal, cette fois-ci, le spectre sonore est nettement plus large et ce n’est pas étranger au fait que Beak> ait joué sur de grandes scènes dans d’innombrables festivals européens au cours des quatre dernières années.
Même si on s’ennuie parfois du penchant claustrophobe des précédentes productions, on apprécie le subtil changement de cap. En plus d’explorer le rock progressif et la musique ambiante, le trio se permet une virée en contrée dansante avec l’excellente « Alle ü Sauvage »; morceau qui évoque une sorte de Daft Punk en mode halluciné. Mais par-dessus tout, c’est le désir sans appel de Barrow de tout créer « à sa main » (à savoir en une seule prise) qui séduit chez ce groupe, ce qui constitue une magnifique aberration dans ce genre musical.
Les meilleurs moments de ce >>> ? « Brean Down », « Harvester », « King of the Castle » et « RSI » sont du Beak> pur jus. « Abbots Leigh » dissone joliment bien et l’étonnante «When We Fall » est une ballade acoustique qui se transmute subtilement en un rock orchestral émouvant. Une conclusion de toute beauté.
Chez Beak>, même si les expérimentations sont la norme, le groupe demeure encore une fois assez accessible. On ne peut que plonger sans ménagement dans la musique de ce groupe qui tient la flamme du krautrock bien haut.
***1/2