Il est difficile de réaliser que plus de cinq ans ont passé depuis le dernier album de Emma Pollock tant sa présence est sensible dans le milieu de la musique indépendante écossaise. Depuis The Law Of Large Numbers elle en est devenue une pierre angulaire qui permet à l’ex Delgados de se mouvoir un peu plus loin et haut et de dépasser ainsi le cadre forcément limitatif de la « chamber pop ».
essaie de donner un sens à certains évènements tragiques (la santé précaire de ses parents) et elle trouve ici un nouvel élan pour assumer certains thématiques lourdes comme le vieillissement, la mort ou la mélancolie sans pour autant faire de ce qui se passe dans les veines et l’esprit comme un vain effort à la consolidation.
Ainsi, on va découvrir ici l’habileté de la chanteuse à narrer ses histoires de manière immaculée et d’y greffer des stances aiguisées comme un rasoir.
La mise en scène s’effectue aec un « Cannot Keep A Secret », une lamentation qui est à la fois emplie de chagrin et tempêtueuse au milieu des turbulences qu’apporte un piano incertain une confession qui va de flux en reflux à l’image d’états d’âme confus et contradictoires. Les crescendos s’écraseront sur un « Don’t Make Me Wait » impertinent qui va de long en large entre riffs cinglants et refrains sont les vocaux séraphiques, encadrés de cordes oniriques, semblent aspirer à la spiritualité
« Alabaster » ensuite se pare d’un secret aux relents délétères, synthés sinistres voisinant avec des cordes élégiaques et des « beats » martelant les tympans de façon menaçante comme pour mettre en évidence l’équivoque juxtaposition de la trahison et du sourire. D’un point de vue lyrique, Pollock est à son sommet et nous propose une oeuvre où cohésion et cohérence tissent leurs fils à chaque sillon.
Les vocaux demeurent élégants et touchés par la Grâce tant ils sont mis en valeur par la production de son époux et producteur Paul Savage li permettant d’occuper la place centrale.
Ainsi les cordes sont utilisées pour produire un effet maximum, en particulier sur cette valse teintée de regrets qu’est « Intermission » une déchirante danse avec la mort imminente des parents de Pollock. : « With quiet upheaval the usual routine is replaced with the noise of a thousand machines/All telling the stories of things that go wrong when we’re pushing the years ’cause we want to hang on. »
In Search Of Harperfield n’est pourtant pas univoque. Elle prend note que le soleil la ramène chez elle et sur la rêverie malicieuse de « Parks And Recreation », elle assemble des instantanés de son enfance à une pop virginale et punchy avant que riffs épineux ne nous fassent taper du pied sur le chorus alt-country qui ponctue « Vacant Stare ».
Des sombres accords de clavier accompagneront le « closer » « Old Ghosts » sur des beats electro dénudés où Pollock nous donne la sensation d’être résignée : « Please don’t make a fuss/The years just took their toll on us ».
Pourtant, sous la plainte sous-jacente, In Search Of Harperfield dissimule de merveilleux émois. Malgré des ruminations sur les lieux et les personnes, la hantise se pare de beauté et se révèle même pleine de pavane. Avec ses accords de guitare façon Velvet Underground sur « In The Company Of The Damned » et les « pickings » acoustiques de RM Hubbert (« Monster In The Park ») le disque se révèle remarquable et triomphant comme seul le pathos peut, par moments, le révéler dans son délicat équilibre entre découragement poignant et assurance affirmée.
****1/2