Comme il se doit pour un groupe qui entame sa seconde décennie d’existence, Arctic Mookeys se sont éloignés assez vite des tempos remplis d’adrénaline et des chansons de stades de foot qui ont marqué le début de leur carrière. Il ne faut pourtant pas se méprendre sur une prétendue maturité qu’aurait acquise le groupe ; il reste toujours ce même quatuor malicieux qui apprécie les virées au pub, les occasionnelles petites défonces et délivrer un rock aussi sonore que possible.
Ce qui a, par contre, continué à évoluer est la façon dont les sonorités ont été abordées. Celles-ci sont désormais composées d’une pulsation ralentie, à la régularité d’un battement cardiaque, et ouvrant vers des espaces qui laissent plus de place à des climats altérés façon Black Sabbath (pour le versant « heavy ») ou T. Rex (quand il s’agit de s’élever vers des choses plus gaillardes).
Les textes de Nick Turner ont également subi une transformation ; des refrains assertifs et presque durs qui accompagnaient ses exploits nocturnes puis plus séducteur de Suck It And See en 2011, ceux-ci sont devenus moins fertiles comme s’il était question aujourd’hui de ramasser des fleurs qui joncheraient le sol.
L’acidité des remarques n’atteint pourtant pas la nature sonique des titres, ce qui permet de ménager un certain équilibre. The Arctic Monkeys se veulent toujours aussi « punchy » et farouches ; ils ont simplement embrassé de façon résolue un son rock plus « glam » dans lequel ils sont étonnamment à l’aise.
L’influence est peut-être liée à Josh Homme, le leader de Queens of the Stone Age, qui avait co-produit Humbug en 2009 et intervient sur les backing-vocals de deux titres et le fait que, tout comme QSTA et d’autres groupes de « stoner rock » de la scène métal californienne, AM a été enregistré à Joshua Tree. On peut ainsi supposer que certains des morceaux enregistrés par ces prédécesseurs et qui ont imprégné les murs du studio se retrouvent sur les « grooves » vicieux de « One For The Road » ou « Do I Wanna Know ? »
Quand l’album semble vouloir s’approcher de la mélancolie, c’est avant tout pour véhiculer un contrepoint ironique. Ainsi, N° 1 Party Anthem » porte un traitement moiré qui ele transforme en une lente danse, où, de manière presque mature, Turner dresse le constat d’une relation qui s’achève en ne blâmant pas uniquement que son partenaire, même si sur « Why’d You Only Call Me When You’re High ? » il se plaint des appels qu’il reçoit à trois heures du matin émis uniquement pour un rendez-vous sexuel.
À l’arrivée, les Monkeys se révèlent beaucoup plus avisés qu’ils ne l’étaient auparavant, surtout si on considère le début plein de morgue qui ouvre l’album. Le groupe adopte un rythme plus posé, fortement évocateur des années 70 grâce, en particulier, à des claviers enchanteurs en toile de fond. Cela donne également l’occasion à Turner de se montrer plus romantique , à la limite parfois de la mièvrerie, tout étant construit dans le track-listing de AM pour terminer sur une note de bonheur et d’espoir. The Arctic Monkeys semblent désormais avoir le regard tourné vers le futur ; on serait mal avisé de ne pas les y suivre.