Il est une tradition bien établie en fin d’année, un rituel auquel tout organe de presse se sent obligé de souscrire, le fameux Top 10 (ou 5, ou 20) de ce qui a été le plus marquant au cours des 12 derniers mois.
En matière de Rock, chaque rédaction ou rédacteur doit s’acquitter de la lourde tâche de désigner ses albums favoris.
Pourquoi, en l’occurrence, ne pas le faire ?
Déjà qu’une chronique est foncièrement subjective, comment justifier un classement qui ne se base que sur une appréciation. En quoi tel ou tel disque serait #1 et tel autre #2 ?
L’échelle des préférences est chose suffisamment délicate pour ne pas être réduite, selon nous, à ce type d’exercice.
Et puis quand il s’agit d’établir un classement, encore faudrait-il que tout le monde joue dans la même catégorie. Comment comparer un groupe débutant d’un combo ayant déjà plusieurs disques à son actif ?
Comment, en outre, juger un groupe par exemple « power pop » d’un ensemble qui ferait du « freak folk » ?
En conséquence, deux disques valant chacun 4 étoiles par le même critique ne pourront « jouer dans la même catégorie » puisque ils sont animés par une démarche différente.
Va-t-on mette dans le même sac un album de rock expérimental et un autre de rock and roll « revival » ? Et quels seraient les critères permettant de dire que l’un est plus méritant que l’autre ?
On sait, en outre, très bien à quoi l’esthétisme bien pensant abouti : la sclérose. En quoi également ce qui a été loué un jour sera voué aux gémonies le lendemain.
La musique est, aujourd’hui, pléthorique, avec une offre d’un niveau moyen et qui excède en outre la véritable demande. Elle est de surcroît atomisée ; on pourrait même dire qu’elle est en proie au communautarisme dans lequel chaque chapelle se sent investie du bon goût et de l’incorruptibilité. En schématisant on pourrait emprunter le titre de cet opuscule des Situationnistes publié en 1967, De la Misère en Milieu Étudiant et le renommer : De la Misère en Milieu Indépendant (article qu’on ne se privera peut-être pas, un jour, d’écrire).
On peut le déplorer mais c’est un constat. Il n’existe plus, de nos jours, d’artistes fédérateurs comme il y en avait avant. Il ne s’agit pas de citer de noms mais tout féru de Rock ne pourra qu’être familier avec les référents.
Alors quel intérêt de rassembler dix disques dans un bilan, dix disques choisis de façon presque aléatoire, dix disques dont on sait qu’il n’auront qu’une notoriété ne dépassant pas le cercle de ses adeptes et une durée de vie (pourquoi un an, pourquoi pas un mois?) qui en sera la conséquence.
Il est donc grand temps de relativiser l’impact d’un artiste sur la chose rock ; à moins qu’on ne se satisfasse de rester dans sa petite niche.
Bref donner 4 étoiles à tel chanteur aussi oecuménique qu’il peut l’être (Jason Lyttle par exemple) montre bien qu’il n’atteindra jamais le 5 étoiles et ne représente rien à un 4 étoiles qu’on aurait donner aux Beatles, Led Zeppelin ou Pink Floyd (liste non exhaustive).
Voilà en vrac en quoi un Top 10 ne trouvera pas grâce ici : lire une chronique étayée (chose à laquelle ce site ambitionne) permettra de mieux se forger un avis et d’écouter en conséquence.
En bref, un Top c’est « pas top »!!