Dès ses débuts, Willy Mason fut comparé à la fois à Bob Dylan et à Johnny Cash, en particulier à un titre « Oxygen » qui, en 20004, eut l’honneur d’échos plus que favorables. Le jeune homme avait alors 19 ans et il avait reçu de la part de ses parents amoureux de folk music une éducation allant dans ce sens. Mais , tout natif de Martha’s Vineyard (endroit « Establishment »-« bobo » de la Côte Est) qu’il soit il s’intéressa également à Nirvana et à Rage Against The Machine (en particulier le message politique de ces derniers).
Il était plus aisé de s’identifier à ces élans de révoltes qu’aux aspects plus anodins musicalement du folk et il commença à composer en ce sens. Le hasard lui fit rencontrer Sean Foley qui travaillait avec Bright Eyes et il partit en tournée avec eux.
Carry On va, à cet égard, porter le même message contre culturel que ses albums précédents mais va bénéficier d’une association surprenante, la production de Dan Carey Hot Chips, Kylie Minogue).
Autre moment d’étonnement, le disque ne va pas pour autant s’égarer des schémas de la musique traditionnelle (blues, folk, country) même i nous avait été promis un album rempli de dub et de reggae. Ce sera donc avant tout sur le travail de mixage que l’influence de Carey va être évidente. L’approche va rester stoïque et sérieuse avec des titres où prime sentiment de lassitude (le blues élégiaque que constitue « What Is This », « Pickup Truck ou « If It’s The End » avec un climat que n’auraient pas dédaigné Johnny Cash ou Woody Guthrie. Une exception quand même : « I Got Gold » qui se voudra plus enlevé et divertissant.
Le seul titre qui, au fond, verra Mason s’éloigner de son registre sera l’hallucinant « Restless Fugitive », qui met en évidence drum and bass, guitares en réverb et rythmique chaloupée. Cette longue épopée de six minutes rappelle le Blur de Think Tank et montre un des bénéfices de la production de Carey. Celui-ci n’aura d’ailleurs pas son pareil pour distiller, ici et là, touches d’électroniques, boîtes à rythme voire teintes psychédéliques, sur « Painted Glass » par exemple. C’est cet apport discret mais permanent qui donnera cette versatilité si particulière à Carry On.
De la même manière, « Talk Me Down » bénéficiera d’une touche vaguement expérimentale qui rappellera Tom Waits avec ses percussions primales délicieusement contrebalancées par une mélodie rêveuse climat dans lequel Mason semble comme chez lui (l’ensommeillé « Show Me The Way, l’atmosphère en demi-teinte de « Into Tomorrow »).
On le voit, une association qui aurait pu sembler peu orthodoxe donne des résultats plus que concluants. Mason ne rogne en rien sur son univers et Carey lui prodigue un merveilleux cadre sur lequel exprimer sa sensibilité. Carry On st un album introspectif, sombre le plus souvent mais il est merveilleusement mis en valeur par un travail sur le son qui lui donne profondeur, écho et tonalités presque aquatiques parfois. Si on devait apparenter cette œuvre à d’autres, ce serait les émouvantes contributions de Emmylou Harris quand elle a été si fantastiquement mise en valeur par le travail aux manettes de Daniel Lanois. Avec un album tel que celui-ci, Mason risque à nouveau d’être appelé « le nouveau Dylan « ; que Carry On constitue « le nouveau Willy Mason » suffira à notre bonheur !