Ce premier album Clock Opera a mis longtemps à venir quand on considère que c’est depuis plus de 3 ans que le groupe a commencé à faire parler de lui. Ways To Forget a, sous la direction de Guy Connelly, pris le temps de mûrir et de trouver sa signature : prendre une série de chansons psychotiques, les structurer et leur donner le son plus le plus naturel et le plus fluide possible.
Ce disque est en effet le fruit de chansons qui semblent construites à partir de rien mais qui ont été longuement peaufinées sur scènes. Les couches soniques s’ajoutent les unes aux autres, comme s’il s’agissait de courses de chevaux voulant aller plus vite que la marée et elles sont jalonnées par des vocaux élégants dont la vigueur apporte encore plus de punch.
À vouloir devait définir le son du groupe, ce qui viendrait à l’idée serait donc une séries de crescendos, construits minutieusement tant en parvenant, par l’urgence qui s’en dégage, à maintenir touche humaine et désespérée.
Le problème est qu’en insistant sur ce côté mécanique, l’album donne l’impression qu’il est comme un « live » inabouti, une façon de signifier que ce qui se passe sur scène ne peut être reproduit en studio. Le résultat en devient quelque peu hybride où cette emphase, sans doute exaltante sur scène, semble ici être boursouflure et auto-indulgence toutes deux sources de frustration (un incessamment robotique « Lesson N°7 » malmenant l’attention) ou de sensation d’inachevé (« 11th Hour » prenant un temps infini à déployer son thème puis s’écroulant brusquement sans avoir pu prendre son essor) .
Il en sera de même sur « Belongings », effort de beauté délicate dont on se demande pourquoi il est ponctué par une section rythmique si étouffante alors qu’il eût suffit qu’il adopte la relative sobriété de la parfaite « pop song » que constitue « Once and for All » pour stimuler l’auditeur.
On devine Clock Opera capable de tisser des structures qui ajouteraient une certaine sauvagerie à ses mélodies (témoin « Belongings ») mais le seul moment où l’équilibre se forme est sur un « White Noise » qui parvient à associer vernis de complexité et accessibilité.
Au fond, à trop vouloir se montrer perfectionniste, Connelly produit un album certes intéressant mais dont les procédés mécaniques obscurcissent la présence humaine. C’est tout le paradoxe d’un album studio dont on a le sentiment qu’il a été conçu comme une performance « live ». « Humain trop humain » ou pas pourrait-on se demander en paraphrasant Nietzsche…