Swans: « The Seer »

C’est une bien belle chose que de voir un groupe renaître de ses cendres. À une époque où bien des musiciens abordent leurs retrouvailles avec des objectifs uniquement pécuniaires , le retour de Swans résonne de manière toute différente. Au lieu de réformer et de rejouer Cildren of God « ad nauseum » The Swans sont en marche pour un projet qui, selon eux, a mûri pendant près de trente ans. Il est vrai que, si on considère leurs anciens enregistrements, ils sont quasiment méconnaissables si on les compare à The Seer. En même temps ce nouvel album semble les compléter, comme si, depuis le début de la carrière du groupe, leur leader Michael n’avait fait que chercher à affiner constamment une démarche qui s’avère, rétrospectivement logique.

En effet, après avoir été très souvent dans l’art des errances sonores et même si on y reste bien préparé, on ne peut qu’être surpris par par le tempo monolithique des quelques 2 heures du double CD. La majorité des titres va s’avérer électrisante et agressive d’autant que ses motifs, répétitifs, ne font qu’accentuer une tension jusqu’au presque intolérable.

Gira dit n’évacuer aucun thème mais ils sont tous traités sous le même angle d’un maelström sonique : l’amour voisine avec l’extase, la famille avec la folie et dieu avec la guerre. Pour développer cet amalgame il convient d’étendre les morceaux (trois d’entre eux dépassent 20 minutes) ; les seules pauses, bienvenues on se doit de l’avouer, résidant dans « Spnf For AWarrior » et « The Daughter Brings Water ».

Est-ce ainsi que Gira compte procéder véhiculer « lumière et joie à travers le monde » comme il le dit ? Pas réellement en fait. Pour lui tout passe par l’assaut, le combat et, s’il convient d’arriver à l’adoration il faut pour cela libérer les forces extrêmes et explorer la folie divine. Ainsi démarre l’album sur un « Lunacy », embaumé de cette maniaquerie extatique et presque liturgique au travers des arrangements, où le groupe semble invoquer la lune en une litanie pour que, se penchant sur lui, elle le mène à la connaissance
Le même procédé de scansion parcourt « The Seer » (Le Prophète) mais cette fois-ci il s’agit d’une mélopée plus glaciale, ponctuée par cette étrangeté atemporelle qu’apporte le dulcimer et ce tic-tac d’une horloge sonnant comme un glas. Gira répète : « J’ai tout vu » comme pour signifier l’inanité d’avoir cette démarche de quête transgressive puisqu’elle est verrouillée ce qui constitue la nature humaine ; à savoir sa fragilité.

On ne peut qu’être sensible à cette intelligence d’une musique qui fait qu’avec le même procédé de répétition façon mantra, on suspend et prolonge l’extase, ou du moins la sensation qu’on en est possédé.

C’est sur «  93 Blues Ave B » que cet équilibre sonique instable est renversé et que se produit ce chaos dont tout le cheminement de l’album indiquait qu’il était imminent. On savait The Swans souvent tentés par une approche bruitiste ; ici ils n’hésitent pas à s’aventurer dans le domaine du free-jazz comme pour mieux faire comprendre que ça n’est qu’un avant-goût de ce qui va suivre dans la dernière partie de l’album.

Ainsi, « A Piece of the Sky » est un drone impitoyable de plus de 10 minutes et le morceau final, « The Apostate », est une véritable ascension vers le chaos et la folie.

Curieusement pour qui est « profane » l’effet produit ne sera pas la terreur mais une certaine exaltation. Il s’agit presque de cette faculté qu’ont, soit-disant, les sorciers ou chamanes à soumettre l’auditeur au spectacle de ce pandémonium pour qu’il en ressente la grandeur et la gloire.

Chaque plage dévoile par conséquent des fondements qui vont , quelque part, jusqu’au métaphysique ; The Seer est un témoignage insensé et confondant de comment, à défaut d’être « habité » par le chaos, on peut en sortir illuminé et encore plus clairvoyant.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

%d blogueurs aiment cette page :