The Piper at the Gates of Dawn : L’Étoile Filante de Syd Barrett

Jamais on ne s’est mépris sur le titre de cet album, emprunté au chapitre d’un ouvrage pour enfants, Le Vent dans les Saules de Kenneth Grahame, livre qui était une des lectures favorites de Syd Barret. Jamais, en effet, malgré la tonalité parfois primesautière du chanteur, malgré la coloration aux apparences parfois puériles de certains titres (« Bike » ou « Flaming »), il na été question sur ce seul album du Floyd avec Syd Barret d’une oeuvre dont le psychédélisme en tant qu’ouverture de la conscience aurait été, ici, une exploration de ce que l’enfantin peut avoir comme détenteur d’une verve innocente ou naïve. De ce qu’il y a de pré-mature sur ce disque devra se chercher plutôt dans ce recours à l’instinctif (la longue jam instrumentale que constitue l’ouverture de la face deux, « Interstellar Overdrive », les étoiles là-haut déjà!) et à ce que les prises d’acides (il en prenait, selon les témoignage comme nous on enfile des cacahuètes) peuvent sembler offrir; cette exaltation que procure ce qui semble ouverture, un peu comme un enfant qui découvrirait le monde, un teenager qui verrait s’offrir à lui les belles avenues de l’existence. Voilà la seule comparaison qu’on pourrait avancer et qui rendrait hommage à ce que cet elfe déjà ailleurs pouvait exprimer dans ses compositions fantasques. Non, jamais on ne s’est mépris tant les premiers « singles » du groupe (« Arnold Layne » et « See Emily Play ») exprimaient, bruitistes azimutés qu’ils étaient, autre chose que des fantaisies tirées de conte de fées. Si fétrangeté il y a dans ce LP, c’est plutôt du côté de celle, surréalisante de Lewis Carroll qu’il faut regarder. Là alors réside l’inquiétude; un « Matilda Mother » moyen-âgeux mais de ce Moyen-Âge qui renvoie à un passé mythique fait de brumes et de caractères indomptés et malsains, un « Scarecrow » dont on se dit qu’il plane déjà au-dessus d’un gibet, un « Gnome » qui n’a pas fini de nous hérisser ou un « Pow R. Toc H. » s’emparant de ce que la musique concrète apportait à l’époque, un peu comme « Astronomy Dominé », porte ouverte vers des cieux limpides aux couleurs vertes et citronnées, mais surtout splendide introduction n’hésitant pas à emprunter à la musique sérielle. Il est déjà, en effet, question de cosmos, et là aussi Syd Barret a été novateur, en tant que personnage inspiré, en tant que pygmalion de ce qu’allait devenir le Floyd sous Roger Waters et « Take Up Thy Stethoscope and Walk » de ce dernier en est presque un symbole maïeutique. Non jamais on ne s’est mépris tant cette album résume tout ce qui pouvait se dire alors en terme de psychédélisme; il prend acte à la fois des plaisirs que l’on peut éprouver à être conscient que son esprit est en train de se répandre , il est aussi vertige de réaliser qu’il peut également déborder,inonder et nous faire verser inéluctablement vers cette menace mentale que constitue la folie. « Quand tu regardes l’abîme, l’abîme regarde aussi en toi » écrivait Nietzsche, celui de Barrett avait simplement les yeux tournés vers les étoiles.

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